Le Monde de la Vape,

France : des mesures pour mieux réguler la cigarette électronique

France : des mesures pour mieux réguler la cigarette électronique

Anticipant la Journée mondiale sans tabac, Catherine Vautrin, ministre française du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a annoncé jeudi 29 mai 2025 son plan de lutte contre le tabagisme.

Il prévoit plusieurs mesures pour mieux réguler la cigarette électronique, en plus d’une interdiction de fumer dans les lieux publics pouvant accueillir des enfants. Ces mesures concernent la réglementation des arômes et de la nicotine des produits du vapotage.

Coup d’œil.


« Là où il y a des enfants, le tabac doit disparaître. »

1

C’est là la volonté de Catherine Vautrin, que la ministre française du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a elle-même partagé à Ouest France le 29 mai dernier, dans le cadre d’une interview. Une détermination ferme, que la ministre s’apprête à manifester de façon concrète, en instaurant une interdiction de fumer dans les lieux publics pouvant accueillir des enfants. Tout contrevenant s’exposera à une contravention de quatrième classe, soit 135 €.

Seront concernés par cette interdiction les plages, les parcs et jardins publics, les abris de bus, les équipements sportifs, mais aussi et surtout les abords des écoles, collèges et lycées. Fumer sera encore autorisé en terrasse d’un café ou d’un bar restaurant. Si le périmètre précis concerné par l’interdiction de fumer sera bientôt déterminé avec l’aide du Conseil d’Etat, les mairies devront l’adapter à leurs réalités de terrain. La mesure entrera en vigueur le 1er juillet 2025, et étendra de fait à l’ensemble du territoire français une interdiction déjà mise en place localement par certaines communes via des arrêtés.

L’utilisation d’une cigarette électronique ne sera pas interdite dans ces nouveaux espaces sans tabac. Catherine Vautrin a décidé de privilégier une autre approche. Plutôt que de faire disparaître les produits du vapotage des lieux publics pouvant accueillir des enfants et des adolescents, elle compte rendre ces produits moins attractifs à leurs yeux, mais aussi moins addictifs, en durcissant leur réglementation.

Deux mesures pour mieux réguler la cigarette électronique annoncées pour juillet 2026

2

« Les produits de vapotage génèrent aussi une addiction et sont une porte d’entrée vers le tabac. »

Catherine Vautrin

Le plan de lutte contre le tabagisme de Catherine Vautrin comprend un volet contre la vape. Lors de l’interview accordée à Ouest France le 29 mai 2025, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles de France, interrogée sur l’évolution du tabagisme chez les jeunes, a en effet répondu que l’utilisation de la cigarette électronique entraîne vers le tabagisme, pour annoncer l’entrée en vigueur d’ici la fin du premier semestre 2026 de deux mesures pour mieux réguler la cigarette électronique. Deux réglementations dont les détails ne seront fixés qu’après l’étude d’avis scientifiques et techniques actuellement en cours d’élaboration.

La ministre n’a pas communiqué l’identité des différents experts consultés dans ce cadre. Leur positionnement vis à vis de la réduction des risques reste donc lui aussi inconnu. Rien ne permet de garantir qu’il rendra compte des nombreux résultats de la recherche scientifique vis à vis des tendances addictives des jeunes français, notamment des chiffres publiés par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives en 2025. Leur rapport indique une substitution du tabagisme par le vapotage et non un effet passerelle, et rend sans fondement la déclaration de Catherine Vautrin qui décrit la cigarette électronique comme une porte d’entrée vers le tabac.

Pour autant, le risque d’addiction à la nicotine qui découle d’une consommation de produits nicotinés comme ceux du vapotage est bel et bien un problème lorsqu’elle concerne des mineurs non fumeurs, qui n’ont pas recours à l’utilisation d’une cigarette électronique dans le cadre d’un sevrage tabagique. Elle témoigne d’une impossibilité à faire respecter l’interdiction de la vente de tabac et d’autres produits nicotinés aux moins de 18 ans pourtant en vigueur en France. Une réalité qui semble avoir poussé Catherine Vautrin à l’élaboration d’une autre stratégie : réduire le phénomène d’addiction et l’attractivité des produits du vapotage

Baisser le taux de nicotine des produits du vapotage pour amoindrir le phénomène d’addiction

3

« Je travaille avec l’ANSES et la Haute Autorité de santé pour que nous baissions le taux de nicotine autorisé dans les produits de vapotage. »

Catherine Vautrin

Interrogée par Ouest-France sur les mesures qu’elle compte instaurer pour lutter contre le vapotage chez les jeunes français, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a tout d’abord annoncé travailler en ce moment même avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et la Haute Autorité de santé (HAS) sur le dosage de nicotine autorisé dans les e-liquides pour cigarettes électroniques et les cartouches de vape préremplies. Catherine Vautrin compte baisser le taux de nicotine des produits du vapotage, avec pour objectif de réduire le phénomène d’addiction et de favoriser le sevrage.

On ne peut nier qu’un plus faible dosage entraînerait moins de risques d’addiction nicotinique pour les adolescents non fumeurs qui parviennent à se procurer des produits du vapotage nicotinés malgré l’interdiction de vente aux mineurs. Pour autant, baisser le taux de nicotine autorisé dans les e-liquides pour cigarettes électroniques et les cartouches préremplies en e-liquide risquerait de pénaliser les fumeurs en diminuant l’efficacité de ces produits dans le cadre d’un sevrage tabagique, dans le cas d’un taux trop bas. Rappelons que pour certains fumeurs fortement dépendant, le taux de nicotine maximal de 20 mg/ml imposé par l’Union européenne ne suffit déjà pas à assurer un sevrage tabagique satisfaisant. 

La Fédération Addiction a déjà alerté sur les dangereux effets contre-productifs d’une telle mesure, en rappelant que « la limitation de la concentration de nicotine dans les e-liquides rendrait la vape inefficace pour les personnes fortement dépendantes, les conduisant à des usages compulsifs ou à un retour au tabac, soit l’exact inverse de l’effet recherché. » Cette mesure réserverait l’usage de la cigarette électronique aux petits consommateurs de tabac qui ont accès à d’autres méthodes aussi efficaces dans leur cas, au lieu de favoriser son utilisation par les publics qui en ont le plus besoin, parce qu’ils ne répondent pas bien aux autres approches, à savoir les plus précaires et les plus dépendants.

Réduire le nombre d’arômes autorisés dans la vape pour diminuer l’attractivité des produits du vapotage

4

Catherine Vautrin a également déclaré qu’elle s’apprête à réduire le nombres d’arômes autorisés dans les e-liquides pour cigarettes électroniques, les cartouches préremplies et les concentrés DIY pour la fabrication d’e-liquide fait maison. Les arômes incriminés par la ministre sont les mêmes que ceux déjà pointés du doigt dans les puffs avant leur interdiction : ceux qui imitent des sucreries de toutes sortes, mais aussi les arômes fruités, frais et mentholés.

L’objectif ? Limiter les plaisirs disponibles pour casser l’envie de collectionner les saveurs comme celle de multiplier les bouffées avec sa cigarette électronique. Des plaisirs que la ministre de la Santé française considère donc comme l’un des engrenages de l’addiction à la nicotine contenue dans les produits du vapotage.

Là encore, si le raisonnement se tient pour diminuer l’attractivité qu’exercent les produits du vapotage sur les mineurs, il reste problématique pour les fumeurs, parce que la consommation d’arômes au goût tabac est celle qui éloigne le moins radicalement les fumeurs du tabagisme. Ce ne sont d’ailleurs pas les arômes de prédilection des citoyens européens, y compris français, qui réalisent un sevrage tabagique à l’aide de la cigarette électronique.

La Fédération Addiction s’est récemment exprimée à propos de l’intérêt d’une variété d’arômes disponibles pour les fumeurs réalisant un sevrage tabagique à l’aide de la cigarette électronique :

« Restreindre l’usage des arômes dans les e-liquides viendrait également affaiblir un levier central du sevrage tabagique. Le consensus de la Société francophone de tabacologie recommande explicitement de permettre l’expérimentation de différents arômes, en raison de leur rôle dans la rupture avec l’identité du tabac et dans le maintien de la motivation. Fruités, sucrés ou gourmands, ces arômes contribuent à créer un usage différencié, à la fois symbolique et sensoriel. »

L’instauration d’un paquet neutre pour les e-liquides de cigarettes électroniques à l’étude

5

En plus de ces deux mesures pour mieux réguler la cigarette électronique annoncées avec un calendrier d’entrée en vigueur, Catherine Vautrin a évoqué très succinctement un autre gros dossier en cours d’instruction : l’instauration d’un emballage neutre pour les e-liquides de cigarettes électroniques. Cette réglementation nouvelle complèterait l’interdiction des arômes à venir, dans un objectif de réduction de l’attractivité des produits du vapotage.

La ministre a également déclaré ne rien s’interdire à l’avenir, pas même l’instauration d’une interdiction de fumer aux moins de 18 ans qui complèterait l’interdiction de vente des produits du tabac et des nouveaux produits nicotinés aux mineurs qui est paradoxalement la seule déjà en vigueur. Si elle n’a pas déclaré envisager instaurer une même interdiction de consommation aux mineurs pour les produits du vapotage, cela ne semble pas impossible compte tenu de sa politique actuelle qui vise autant le tabagisme que l’utilisation des cigarettes électroniques.

Des informations anxiogènes sur la vape relayées en masse par la presse

6

L’article de Ouest France qui retranscrit la prise de parole de Catherine Vautrin évoque aussi une information anxiogène pour appuyer le bien-fondé des décisions prises par la ministre de la Santé : l’effet néfaste de certains arômes sur les poumons. De nombreux autres médias se sont alors empressés de relayer l’information. C’est notamment le cas de BFM TV, qui cite « les effets délétères du parfum fruit rouge sur les défenses immunitaires de nos poumons » en extrapolant de façon alarmiste les résultats d’une étude de l’université Mc Gill de Montréal, qui avait déjà secoué la toile lors de sa parution en septembre 2024. Des extrapolations non nouvelles, que nous avons déjà débunkées.

BFM TV ne se contente pas de semer la peur en reprenant cet exemple dans son article, mais surfe sur la vague d’une autre information anxiogène qui fait le buzz en ce moment, issue d’une alerte du Comité national contre le tabagisme (CNCT) : la présence potentielle de métatine (6-méthyl-nicotine), une nicotine de synthèse entièrement fabriquée en laboratoire, présentée comme hautement addictive, dans les produits de vapotage et sachets oraux commercialisés en France.

Cette alerte fait suite au marketing trompeur de cette molécule pour les e-cigarettes nicotinées NoNic® Galaxy par le fabricant Aroma King, dont la métatine de marque déposée NoNic® est présentée comme « une alternative non-addictive et moins nocive à la nicotine traditionnelle ». Le CNCT a donc décidé d’engager une procédure en justice contre Aroma King pour publicité illicite.

Cette substance provient des États-Unis où elle est arrivée en 2023 pour contourner les interdictions de vapotage ou de nicotine en vigueur, puisqu’elle peut être intégrée aux produits pour leur procurer les effets de la nicotine, et ne peut pas être régulée par la Food and Drug Administration (RDA), seulement habilitée à encadrer les produits contenant de la nicotine issue du tabac. Son usage s’est ensuite répandu dans d’autres pays aux réglementations très coercitives.

En France, puisque l’utilisation de nicotine est autorisée dans les produits du vapotage, le recours à cette molécule vise généralement à dépasser le taux maximal autorisé, ou à se démarquer déloyalement de la concurrence en valorisant l’usage d’une meilleure molécule, en trompant les consommateurs. Il résulte dans les deux cas d’un contournement de la loi en vigueur, comme le rappelle la FIVAPE : « En France, la molécule 6-méthyl-nicotine est interdite dans les e-liquides à vapoter. Aucun fabricant ne peut l’utiliser et aucun commerçant ne peut la vendre. » Une interdiction en vigueur plus largement dans toute l’Union Européenne. La présence de métatine dans un produit du vapotage commercialisé en France reste ainsi le fait de fabricants peu scrupuleux, et donc exceptionnelle.


Un risque élevé de marché noir

7

Les mesures pour mieux réguler la cigarette électronique annoncées par Catherine Vautrin pour juillet 2026 laissent présager d’un danger : le développement d’un marché noir avec des produits aux arômes interdits et un taux de nicotine plus élevé.

Pour cerner le futur, il faut souvent regarder dans le passé. Hors, c’est précisément ce qui se passe déjà pour la puff, interdite en France depuis le 25 février 2025. Le marché noir aurait même commencé à s’organiser bien avant l’entrée en vigueur de la loi, dès son vote en première instance. Plusieurs commerçants ont récemment confié au Vaping Post avoir été contactés par des marques chinoises pour revendre des puffs pour le marché noir.

D’autres, établis dans des zones où des trafics de drogues sont durablement installés, ont assisté à l’émergence rapide d’un trafic parallèle de cigarettes électroniques jetables dans les cours des collèges et lycées avoisinants, simple à organiser et à risques très réduits pour des dealers déjà expérimentés, habitués à se procurer des substances bien plus difficiles à obtenir. Car les volumes de puffs produits en Chine et exportés sont tels que les services de contrôle sont dépassés, rendant aisé l’approvisionnement en ces produits qui permettent aux trafiquants de se faire une forte marge compte tenu d’un prix d’achat dérisoire et d’une forte demande.

Dans de telles conditions, difficile de ne pas imaginer que la situation se répéterait une fois les mesures pour mieux réguler la cigarette électronique annoncées par la ministre de la Santé entrées en vigueur. Ce problème ne viendrait malheureusement pas seul, car les produits illégaux sur le marché noir ne s’embarrassent d’aucune forme de réglementation à visée sanitaire que ce soit, et sont donc potentiellement dangereux. La Fédération Addiction évoque ce risque bien réel dans son communiqué de presse du 30 mai 2025, annonçant craindre un détournement des usagers vers des produits non réglementés ou des circuits parallèles, exposant inutilement à de nouveaux risques sanitaires.

TK white gold square2

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Vous pourriez aussi aimer ces articles