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Cigarette électronique : faut-il éviter l’arôme fruits rouges ?

Cigarette électronique : faut-il éviter l'arôme fruits rouges ?

« Plus mauvais pour la santé », « risque accru pour les poumons », « dangereux pour la santé »… Voici en quels termes l’arôme fruits rouges pour cigarettes électronique est en ce moment présenté au conditionnel sur la toile, à travers de nombreux articles. Ils font le relai d’une étude réalisée par des chercheurs de l’université McGill de Montréal, parue le 23 septembre 2024 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), la prestigieuse revue scientifique pluridisciplinaire officielle de l’Académie nationale des sciences des États-Unis.

La presse n’hésite pourtant pas à recommander aux vapoteurs de changer d’arôme pour leur e-liquide. Mais est-ce fondé ? Qu’ont découvert les chercheurs précisément ? Faut-il éviter l’arôme fruits rouges avec sa cigarette électronique ? Ensemble, décryptons cette actualité.


Faut-il éviter l’arôme fruits rouges ? La découverte des chercheurs

Faut-il éviter l'arôme fruits rouges ? La découverte des chercheurs

Faut-il éviter l’arôme fruits rouges au moment de choisir son e-liquide pour cigarette électronique ? Si vous êtes ici, vous vous posez sûrement la question. Vous avez récemment lu sur Internet que l’arôme fruits rouges pour cigarette électronique serait plus problématique que les autres pour la santé pulmonaire et ne savez pas quoi faire de cette information ? Avez-vous tout d’abord remarqué qu’elle est au conditionnel ? C’est parce qu’il est de bon ton de ne pas trop s’avancer.

Un effet sur les macrophages alvéolaires… des souris

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Dans leur étude intitulée Alveolar macrophage function is impaired following inhalation of berry e-cigarette vapor, parue dans dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), les chercheurs de l’université McGill de Montréal ont découvert qu’un e-liquide canadien de la marque Canada E-Juice, Razzy 3Some, affecte les macrophages alvéolaires des souris. Il s’agit des premières cellules immunitaires qui défendent les voies respiratoires inférieures. Elles se trouvent dans les alvéoles pulmonaires. Leur rôle est de filtrer l’air entrant pour protéger les tissus environnants des agents pathogènes qui arrivent par ce biais, et d’aider à orchestrer une bonne réponse immunitaire dans les poumons.

Les chercheurs ont réussi à déterminer que les arômes du e-liquide testé sont en cause, en découvrant en parallèle qu’un e-liquide sans saveur comme un e-liquide d’un groupe de saveurs non apparenté (mentholé) n’avaient pas les mêmes effets problématiques. Les scientifiques ne sont par contre pas parvenus à identifier les composés chimiques spécifiques des arômes de cet e-liquide qui sont en cause. Ils n’ont pas non plus vérifié que cette altération des macrophages alvéolaires se produit chez l’humain qui serait exposé exactement comme l’ont été les souris, ni dans le cas d’une exposition moindre liée à l’utilisation normale d’une e-cigarette.

Par conséquent, pour le moment, rien ne permet d’affirmer que les conclusions des chercheurs s’appliquent aux vapoteurs. Une information pourtant capitale que la presse, dans la grande majorité des cas, n’a pas partagée. Alors, faut-il éviter l’arôme fruits rouges au moment de choisir un e-liquide ? Pour le moment, la réponse est non.

L’arôme fruits rouges… vraiment ?

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Les travaux des chercheurs canadiens ne permettent pas non plus de déterminer si tous les e-liquides aromatisés aux fruits rouges produisent les mêmes effets que ceux qu’ils ont observé sur ces cellules. Pourquoi ?

Tout d’abord parce que le terme « fruits rouges » employé pour décrire le goût du e-liquide Canada E-Juice Razzy 3Some est imprécis. Pas de fraise, pas de fruits des bois à l’exception de la framboise. Cet e-liquide canadien est sur le papier un mix de framboise et de framboise bleue. Mais les consommateurs de ce juice comparent volontiers son goût à celui des Swedish berries, une marque déposée de bonbons de Vanderlei Candy, une division de Cadbury Canada. Un e-liquide qui semble ainsi plus complexe sur le plan aromatique qu’un e-liquide fruits rouges basique.

Les chercheurs canadiens ont d’ailleurs choisi de tester l’e-liquide Razzy 3Some de Canada E-Juice précisément parce qu’il rentre dans la catégorie des e-liquides fruités bien sucrés, parce que ces saveurs sont les plus populaires parmi les jeunes canadiens âgés de 13 à 18 ans. Leur objectif était d’objectiver la nocivité supposée de cette catégorie d’arômes attractive pour les mineurs, puisqu’elle inquiète tout particulièrement le gouvernement du Canada.

Pas sans nicotine

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Surtout, les scientifiques ne sont pas parvenus à déterminer les composés chimiques spécifiques de l’arôme fruits rouges de cet e-liquide qui nuisent à l’activité des macrophages alvéolaires. Sans cette donnée capitale, il est impossible de déterminer quels e-liquides sont spécifiquement concernés, à savoir ceux qui possèdent ces composés chimiques responsables.

Une découverte importante au sujet de la motilité des macrophages alvéolaires

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Il faut surtout retenir de cette étude que la science connaît désormais mieux par quels moyens les macrophages alvéolaires protègent les voies respiratoires inférieures. Elle a en effet permis de révéler l’un des mécanismes chimiques qui permet aux macrophages alvéolaires de se déplacer entre les alvéoles pulmonaires pour surveiller et réguler l’activité bactérienne dans les poumons. Les chercheurs canadiens ont aussi découvert que cette modalité de mouvement est nécessaire à ces cellules immunitaires pour éliminer efficacement les envahisseurs bactériens.

Pour aller plus loin :

Ce mécanisme est la polymérisation de l’actine médiée par la protéine de contrôle de la division cellulaire 42 (CDC42). L’actine est une protéine présente dans nos cellules. Lorsque plusieurs protéines d’actine s’assemblent en formant des filaments, elles se polymérisent. L’actine ne peut faire ceci que grâce à d’autres protéines intracellulaires. L’une d’entre elles est la protéine de contrôle de la division cellulaire 42 (CDC42). Sans polymérisation de l’actine, la plupart des cellules ne peuvent pas agir sur leur motilité, autrement dit : elles ne peuvent pas se déplacer. C’est le cas des macrophages alvéolaires.

L’effet exact du e-liquide canadien à l’arôme fruits rouges sur les macrophages alvéolaires

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L’e-liquide Razzy 3Some de Canada E-Juice, utilisé dans le cadre de l’étude Alveolar macrophage function is impaired following inhalation of berry e-cigarette vapor, a eu un effet sur les macrophages alvéolaires des souris. Il a altéré leur production de protéine de contrôle de la division cellulaire 42 (CDC42). Une protéine, comme nous l’avons vu, indispensable à la polymérisation de l’actine qui permet aux macrophages alvéolaires de se déplacer. Ceux entrés en contact avec cet e-liquide à l’arôme fruits rouges ont perdu en motilité, et sont devenus incapables de se déplacer dans les alvéoles adjacentes pour éliminer les bactéries qui s’y trouvent.

L’exposition à cet e-liquide ne s’est pas révélée problématique en l’absence d’infection, puisqu’elle n’a pas causé d’inflammation ni de pathologie pulmonaire. La perte de motilité des macrophages alvéolaires pose en revanche problème dans le cas contraire. Les scientifiques ont d’ailleurs observé les conséquences en cas d’infection à Pseudomonas aeruginosa, une bactérie qui peut coloniser les voies respiratoires des fumeurs et des personnes atteintes de maladies pulmonaires chroniques. Les macrophages alvéolaires se sont révélés incapables d’éliminer les bactéries.

Le système immunitaire des souris cobayes a donc été forcé de modifier sa réponse pour tenter d’éradiquer l’envahisseur. Les macrophages alvéolaires ont dû produire et libérer davantage de substances pro inflammatoires pour agir sur les bactéries, responsables d’une inflammation plus importante. Les chercheurs canadiens redoutent de ce fait que les personnes exposées aux composés qui altèrent les macrophages alvéolaires mettent plus de temps à éliminer les infections, et aient besoin d’antibiotiques. Un problème face à l’antibiorésistance de certaines bactéries, dont P. aeruginosa.

Une étude financée par le gouvernement du Canada

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Si les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt, l’étude sur l’arôme fruits rouges des e-liquides pour cigarette électronique a été financée en partie par les Instituts de recherche en santé du Canada, un organisme gouvernemental, ainsi que la subvention Vaping Catalyst. Une opportunité de financement précisément lancée par le pays dans le but de répondre à des questions clés liées à l’utilisation de la cigarette électronique, dont 59 % des subventions concernent le vapotage chez les jeunes, jugé particulièrement préoccupant.

« Le vapotage à tous les âges, en particulier chez les jeunes, est un nouveau problème de santé pour lequel nous avons besoin de plus de données probantes. »

Christine Chambers, directrice scientifique de l’Institut du développement humain et de la santé des enfants et des jeunes (IHDCYH), aux Instituts de recherche en santé du Canada

Un besoin de légitimer l’interdiction des arômes fruités et sucrés ?

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Le Canada envisage d’interdire au niveau fédéral les arômes fruités et sucrés des e-liquides pour cigarettes électroniques, déjà interdits dans six provinces et territoires canadiens : le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Québec.

Un projet datant de 2021, repoussé compte tenu de l’émergence d’un marché illicite au Québec après sa mise en place, paradoxalement facilité par la disponibilité d’e-liquides fruités et sucrés dans les provinces voisines. Il est désormais plus proche que jamais d’aboutir. La ministre de la Santé mentale et des Dépendances du Canada, Ya’ara Saks, a en effet déclaré fin octobre dernier pour CBC que l’interdiction serait bientôt instaurée.

Pourtant, des données de sondage partagées par la Coalition des droits des vapoteurs du Québec ont montré que l’interdiction des arômes en vigueur depuis le 31 octobre 2023 a causé la reprise du tabagisme pour plus d’un vapoteur québécois sur cinq, soit 22 %. 14 % de québécois vapoteurs mais non fumeurs ont également depuis décidé d’arrêter la vape et de commencer à fumer. 11 % de vapoteurs ont aussi déclaré envisager recommencer à fumer, sans être encore passés à l’acte. Au Québec, la réglementation est plus que jamais source de tensions.

Dans un tel contexte, l’étude Alveolar macrophage function is impaired following inhalation of berry e-cigarette vapor des chercheurs de l’université McGill de Montréal, qui pointe du doigt la dangerosité d’un des arômes fruités et sucrés des e-liquides pour cigarettes électroniques dans le collimateur du gouvernement canadien, à savoir l’arôme fruits rouges, semble tomber à pic pour légitimer l’interdiction des arômes dans une province où elle est actuellement remise en cause, et plus largement dans un pays qui envisage d’élargir la mesure au niveau fédéral.


Faut-il éviter l’arôme fruits rouges ? Surtout pas s’il est le seul à vous maintenir loin du tabac !

Faut-il éviter l'arôme fruits rouges ? Surtout pas s'il est le seul à vous maintenir loin du tabac !

On ne le répètera jamais assez : les produits du vapotage sont uniquement destinés aux fumeurs. Ils sont une alternative moins nocive à la cigarette, et peuvent être utilisés avec une cigarette électronique dans le cadre d’un sevrage tabagique, lorsque les substituts traditionnels ne suffisent pas. Ils ne doivent pas être consommés par des mineurs ou des adultes qui ne sont pas fumeurs, car bien qu’ils soient infiniment moins dangereux pour la santé que le tabac, ils ne sont pour autant pas totalement exempts de risques.

Sachant cela, faut-il éviter l’arôme fruits rouges en tant qu’ancien fumeur ? La réponse reste non, pour toutes les raisons précédemment évoquées, d’autant plus si les fruits rouges sont les seuls arômes d’e-liquides pour cigarette électronique qui vous conviennent et vous permettent de ne pas fumer. Avant de troquer votre e-liquide goût fruits rouges adoré pour une autre saveur par peur pour votre santé, au risque de replonger dans le tabac, ne faites pas l’impasse sur ce qui suit.

Car la presse ne rapporte pas que le tabac affecte lui aussi la santé pulmonaire et immunitaire, et de façon bien pire. Le Professeur Daniel Thomas, cardiologue et vice-président de l’Alliance contre le tabac, a d’ailleurs déclaré à la presse suite à la parution de l’étude canadienne sur l’arôme fruits rouges des e-liquides pour cigarette électronique :

« Vapoter, c’est beaucoup moins dangereux que de rester fumeur. Et donc, si vous êtes vapoteur, ne vous alarmez pas à cause de ça, et surtout, ne revenez pas au tabac. »

Le tabac impacte la santé respiratoire, et pas uniquement les macrophages alvéolaires

« Faut-il éviter l’arôme fruits rouges de certains e-liquides avec sa cigarette électronique ? » Ce n’est pas la bonne question à vous poser. Demandez-vous plutôt : « Faut-il éviter l’arôme fruits rouges ou le tabac ?

Car si rien n’est sûr concernant la nocivité de certains arômes des produits du vapotage pour la santé respiratoire, celle du tabac, en revanche, est bien documentée. Plusieurs recherches ont démontré que, dans les poumons des fumeurs, les macrophages alvéolaires ne sont pas les seules cellules immunitaires lésées. Les lymphocytes T cytotoxiques pâtissent aussi des effets délétères du tabagisme. 

Au programme des réjouissances pour les fumeurs : de l’inflammation des voies aériennes à la destruction de la paroi des alvéoles pulmonaires, par des processus inflammatoires complexes, impliqués dans la survenue de troubles comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), le cancer du poumon, ou encore l’athérosclérose.

Le tabac fait donc bien pire pour la santé pulmonaire et la vulnérabilité aux infections respiratoires que l’arôme fruits rouges incriminé, qui, lui, affecterait seulement les macrophages alvéolaires.

Le tabac affecte plus largement le système immunitaire

Si en l’absence d’infection, l’arôme de fruits rouges des e-liquides pour cigarettes électronique n’augmente pas la production de substances pro-inflammatoires, ce n’est pas le cas du tabac, qui affecte plus largement le système immunitaire, et contribue au développement de maladies atopiques, d’asthme, ainsi que de maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux disséminé.

Car fumer affecte non pas une composante de la réponse immunitaire, mais deux : la réponse « innée » et rapide face à l’envahisseur, et la réponse « adaptative » de cellules immunitaires particulières, qui gardent en mémoire les ennemis déjà rencontrés, pour une riposte plus lente, mais davantage puissante et ciblée. Pire : les réponses immunitaires adaptatives restent altérées plusieurs années après l’arrêt du tabac, comme l’a démontré une équipe de l’Institut Pasteur dans la revue Nature.

De bonnes raisons de tout faire pour ne jamais refumer, y compris si cela doit passer par le vapotage d’un e-liquide à l’arôme fruits rouges.

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