L’e-commerce des produits du vapotage se dirige-t-il vers des sites vitrines strictement neutres, qui se contentent d’exposer visuellement les produits et d’en donner des descriptions objectives ? C’est probable, suite à la victoire d’associations antitabac contre la publicité de la vape, en France.
Mardi 17 décembre dernier, la Cour de cassation de Paris a en effet décidé de condamner la SAS British American Tobacco France (BATF), en procès contre le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et Demain sera non-fumeur (DNF), pour publicité illicite.
Coup d’œil.
Victoire d’associations antitabac contre la publicité de la vape après un long procès
La victoire d’associations antitabac contre la publicité de la vape intervient après un long procès initié en 2021 par le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et Demain sera non-fumeur (DNF), deux associations antitabac, contre British American Tobacco France (BATF). Le cigarettier était accusé de publicité illicite pour ses produits du vapotage, sur son site qui s’appelait alors GoVype.com.
En février 2022, le tribunal correctionnel de Paris avait décidé de condamner British American Tobacco France à une amende de 100 000 €. La SAS avait alors décidé de faire appel. La Cour d’appel de Paris tranchait à son tour en faveur des associations en octobre 2023, mais en réduisant le montant de l’amende de 100 000 € à 50 000 €.
British American Tobacco France avait alors décidé de se pourvoir en cassation. La Cour de cassation de Paris mit fin à l’affaire judiciaire mardi 17 décembre 2024, en rejetant le pourvoi du cigarettier. BATF a donc été définitivement condamné à verser l’amende. La SAS doit aussi verser 50 000 € de dommages-intérêts, 10 000 € de frais de justice en première instance, confirmés en appel, et 2 500 € de frais de procédure devant la Cour de cassation, au CNCT ainsi qu’à DNF.
Pourquoi la justice française a-t-elle décidé de condamner British American Tobacco France ?
La victoire d’associations antitabac contre la publicité de la vape est survenue pour une raison précise, spécifiée par la Cour d’appel de Paris. La définition de la notion de publicité développée pour les produits du tabac est celle qui s’applique dans le droit français aux produits du vapotage. Par conséquent, aux yeux de la Cour, même les communications commerciales mélioratives sont interdites et assimilées à de la publicité. Seule est autorisée la commercialisation sans promotion ni incitation à l’achat, à travers une exposition visuelle neutre des produits et des descriptions purement objectives.
Le tribunal a aussi précisé pour justifier sa décision ne pas considérer que les produits du vapotage sont moins nocifs que le tabac et qu’ils contribuent à l’arrêt de sa consommation, en citant l’avis relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique rendu par le Haut conseil de la santé publique le 26 novembre 2021.
Quel type de publicité pour le vapotage a été jugé illicite par la justice française ?
Les communications pour les produits du vapotage qui ont été assimilées à de la publicité dans cette affaire sont nombreuses. La décision rendue par le tribunal les détaille.
Les contenus à visée incitative
British American Tobacco France a tout d’abord été condamné pour plusieurs contenus à visée incitative qui se trouvaient sur son ancien site internet GoVype.com, devenu vuse.fr, considérés comme de la publicité de la vape, illicite. Parmi ces contenus, des textes, des visuels, ainsi que deux vidéos.
Les textes incriminés, tout d’abord, évoquaient généralement une expérience et un plaisir inégalé, comme dans l’exemple « Vype : plaisirs prêts à vaper ». D’autres mettaient en avant une adaptation à son consommateur, de ressembler au consommateur, comme dans l’exemple « Annonce ta couleur ». Des arguments jugés publicitaires et par conséquents illicites, car incitant le consommateur à acheter pour des motifs sans lien avec les caractéristiques essentielles et objectives du produit.
Plus inquiétant, de simples mentions des différentes saveurs des recharges de la marque, par exemple « fraise sauvage », « fusion fruits des bois », ou « mangue tropicale », ont été jugées illicites également, pour non respect de la prohibition de toute assimilation des produits du vapotage avec un produit alimentaire.
De leur côté, les clips vidéos et la partie blog du site GoVype.com ont été jugés illicites en raison de rapprochements implicites entre le vapotage et une vie désirée, dans un objectif incitatif. Par exemple, les vidéos présentaient les produits dans un contexte jeune et festif de façon a en faire un objet cool, à la mode. Les articles de blog incriminés, qui traitaient de relaxation, de nutrition ou de sport, donnaient, eux, aux yeux du tribunal, une impression erronée quant aux effets sur la santé des produits, suggéraient leur moindre nocivité, voire vantaient des effets bénéfiques sur la santé ou le mode de vie des consommateurs.
Les pages Instagram
Lors de ce procès opposant le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et Demain sera non-fumeur (DNF) à British American Tobacco France (BATF), la justice française a également déclaré illicite la mise en ligne et l’alimentation d’une page Instagram dédiée aux produits du vapotage.
Le tribunal a en effet considéré que la seule utilité d’une page Instagram pour une entreprise est de diffuser le plus largement possible les publications successivement mises en ligne, par l’utilisation de tous les mécanismes exponentiels de diffusion de l’information utilisés par les réseaux sociaux. Par conséquent, la Cour d’appel de Paris, approuvée par la Cour de cassation a estimé dans cette affaire qu’une page Instagram dédiée à la promotion de produits du vapotage était nécessairement une publicité.
Les mails à sa clientèle
Ce n’est pas tout. La justice française a également condamné British American Tobacco France et donné raison aux associations antitabac le Comité national contre le tabagisme et Demain sera non-fumeur pour les mails que le cigarettier adressait à sa clientèle.
Ces derniers ont été considérés comme des modalités de publicité illicites qui visent à inciter les consommateurs occasionnels ou réguliers, qui ont donné leur adresse mail au moment d’une commande, à poursuivre leur consommation, pour préserver les parts de marché des industriels du secteur. Ceux annonçant la livraison gratuite en 24H chrono sur tout le site ont été particulièrement pointés du doigt.
Victoire d’associations antitabac contre la publicité de la vape : le début d’une série ?
Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et Demain sera non-fumeur (DNF) ne semblent pas vouloir s’arrêter dans leur lancée. DNF a d’ailleurs depuis déclaré dans un communiqué que la décision de la Cour de cassation marque une « étape majeure dans la lutte contre les pratiques publicitaires illicites en faveur des produits de vapotage ».
Le jugement rendu pose en effet un cadre ultra strict pour les sites e-commerce qui commercialisent des produits du vapotage, en séparant nettement l’action de vendre, autorisée, de celle de promouvoir, elle, interdite. Des interdits définis par la Cour d’appel de Paris, et récemment approuvés par la Cour de cassation, plus nombreux que ceux listés par la FIVAPE dans les grands principes pour être en règle, visant à permettre aux professionnels de la filière d’adapter leurs pratiques aux exigences juridiques et jurisprudentielles, que nous appliquons déjà depuis mai 2024.
Car si les présentations non objectives des produits et la prospection en font partie, l’envoi d’e-mails à sa clientèle avec du contenu promotionnel aussi. Si cette première victoire d’associations antitabac contre la publicité de la vape n’était pas la dernière, le marché de la vape français pourrait ainsi être bouleversé.