La Belgique invisibilise le tabac et les cigarettes électroniques. Initialement prévue pour janvier 2025, l’interdiction d’étalage des produits du tabac et du vapotage est finalement entrée en vigueur en Belgique au 1er avril 2025.
Disparus des comptoirs, ces produits sont aussi devenus invisibles aux yeux des clients à l’extérieur des commerces habilités à les vendre en Belgique. Si les buralistes et les libraires critiquent la mesure surtout pour des raisons pratiques, les propriétaires de vape shops, eux, redoutent de voir leur chiffre d’affaires tomber en flèche.
Coup d’œil.
« Display ban » : le tabac et les cigarettes électroniques quittent les comptoirs belges
Avec un taux de prévalence tabagique en baisse depuis 2021, la Belgique poursuit sa lutte contre la consommation de tabac et des autres produits nicotinés.
Depuis le 1er avril 2025, le « Display ban » étant entré en vigueur dans le pays, la Belgique invisibilise le tabac et les cigarettes électroniques. Il s’agit d’une interdiction d’exposition des produits du tabac comme des produits du vapotage. Ces derniers doivent désormais être invisibles aux yeux du public, autrement dit des clients particuliers, tant de l’extérieur que de l’intérieur des points de vente autorisés à commercialiser ces produits en Belgique. Adieu comptoirs et vitrines, ainsi que les inscriptions sur les devantures !
Un durcissement de la loi du 24 janvier 1997
La loi du 24 janvier 1997 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits a été modifiée par le Roi Philippe de Belgique le 21 mars 2024.
Son interdiction de publicité et de parrainage pour les produits de tabac (article 7, §2 bis) a alors été endurcie d’une disposition nouvelle appelée Display ban. Une interdiction d’étalage, avec une entrée en vigueur annoncée au 1er avril 2025.
« Art. 7. […] § 3. Les produits de tabac ne peuvent pas être exposés aux et dans les points de vente. »
Interdiction d’étalage : la liste des produits concernés
Tous les produits à base de tabac sont concernés :
- – Cigarettes
- – Tabac à rouler
- – Tabac à pipe
- – Tabac à pipe à eau (chicha)
- – Cigares et cigarillos
- – Tabac à mâcher
- – Tabac à priser
- – Nouveaux produits à base de tabac et les appareils qui permettent leur consommation (comme les produits du tabac chauffés)
Tous les produits considérés similaires au tabac en Belgique le sont également :
- – E-liquides avec et sans nicotine et les appareils qui permettent leur consommation (cigarettes électroniques, à savoir kits complets, matériels à assembler et consommables)
- – Pipes à eau (chichas)
- – Produits à fumer à base de plantes (comme les fleurs de CBD)
- – Pipes
- – Tubes
- – Filtres
- – Papiers à cigarette….
Mise en œuvre de la mesure
Pour aider les commerçants à cacher les produits du tabac et les produits du vapotage autrefois à la vue de leur clientèle, dans le respect du « Display ban », le service public sanitaire fédéral belge, SPF Santé publique, a réalisé une brochure détaillant les bonnes pratiques de mise en œuvre.
Lieux de stockage autorisés
Les détaillants y sont sommés de mettre leurs produits du tabac et du vapotage dans des armoires, des tiroirs, des conteneurs ou récipients fermés au-dessus ou en-dessous du comptoir, derrière des rideaux ou des portes coulissantes, ou encore derrière des vitres opaques, qui ne peuvent être ouverts que par leur personnel.
La brochure précise que le lieu de stockage doit être neutre et sobre (pas d’images, pas d’effet lumineux ou sonores, pas de miroir, pas de mention de marque, etc.), et qu’il ne peut être mis en avant, se démarquer du reste du point de vente. Il est aussi indiqué que les produits doivent être rangés de façon neutre, de sorte qu’aucun produit ne soit mis en avant lors de l’ouverture du lieu de stockage, et que le réassortiment des produits doit se faire en dehors des heures d’ouverture si ce dernier est visible pour les clients.
Modalités de présentation des produits
Le service public sanitaire fédéral belge autorise de ce fait les détaillants à avoir une ou plusieurs listes neutres qui comprennent seulement la marque, la sous-marque, le type de produit, la quantité et le prix, et à les présenter à leurs clients majeurs lorsqu’ils formulent une demande d’achat de produits du tabac ou du vapotage, pour leur permettre de faire leur choix. Ces listes, sur support papier ou digital, ne doivent comporter ni images ni couleurs, et êtres rédigées avec une même police et une même taille pour tous les produits.
Les produits choisis par le client, et seulement ceux-ci, peuvent ensuite lui être présentés par le détaillant. Les produits non achetés doivent être rangés dans le lieu de stockage avant de terminer la vente. Le lieu de stockage doit être fermé directement après utilisation, après la prise des produits demandés.
Risques encourus en cas d’infractions
Le SPF Santé publique rappelle que les infractions à l’interdiction d’exposition des produits du tabac et des produits du vapotage pourront être sanctionnées jusqu’à 800 000 €, selon leur gravité, et jamais moins de 2000 €.
En cas d’infractions répétées, le service public sanitaire fédéral belge prévoit même des fermetures temporaires des établissements concernés, allant d’une heure jusqu’à 30 jours.
Si l’agence publique a demandé à ses inspecteurs de privilégier l’information et la sensibilisation des commerçants pour le moment, ces sanctions seront ensuite bel et bien appliquées.
Invisibiliser… et interdire la vente en grandes surfaces
Au 1er avril 2025, une autre mesure phare est entrée en vigueur pour lutter contre la consommation de tabac et d’autres produits nicotinés, et non des moindres : l’interdiction de la vente de ces produits en grandes surfaces. Car un tiers du tabac de la Belgique était vendu dans les supermarchés et les hypermarchés belges.
Les magasins d’une superficie égale ou supérieure à 400 m², qui étaient jusqu’alors encore autorisés à vendre du tabac en Belgique, ne le sont donc plus désormais. La loi va donc bouleverser le quotidien des nombreux fumeurs qui avaient pour habitude de s’approvisionner en tabac pendant leurs courses.
Les propriétaires de vape shops désavantagés
Si, vous l’aurez compris, les grandes surfaces ont été touchées de plein fouet par la nouvelle législation belge, les vape shops ne sont pas en reste. Car contrairement aux bureaux de tabac et aux librairies presse, ces boutiques n’ont désormais plus aucun produit qui peut être exposé en vitrine ou sur des présentoirs, et semblent totalement vides.
Un vide problématique, qui fait redouter aux propriétaires de ces magasins spécialisés que les clients s’en détournent en pensant qu’ils sont fermés ou en liquidation. Dans une interview pour RTBF Actus, un marchand de cigarettes électroniques qui a préféré garder l’anonymat a d’ailleurs déclaré :
« Ça n’a aucun sens de faire ça, à part effectivement nous désavantager par rapport au marché de la cigarette qui devient de plus en plus grandissant en Belgique. […] Ça restreint énormément le marché de la vape en Belgique. On a l’impression qu’ils nous visent un petit peu directement, on a l’impression qu’ils ne veulent pas de la vape en Belgique. Cela fait d’ailleurs quelques années qu’ils se cherchent un peu des excuses pour la faire disparaître. »
Buralistes et libraires déplorent l’absence de soutien financier
Du côté des librairies presse, la mesure est jugée contraignante pour les points de vente autant que pour les clients. Dans une interview pour RTBF Actus, Xavier Deville, président de Prodipresse, l’organisation professionnelle qui représente ces établissements en Belgique, a en effet déploré une perte de temps pour les libraires, contraints d’ouvrir et de fermer leur lieu de stockage des produits du tabac à chaque vente, alors qu’ils reçoivent entre 300 à 400 clients par jour.
Mais surtout, il reproche aux autorités belges l’absence de soutien financier aux commerçants, compte tenu des investissements nécessaires pour réaménager les boutiques selon les volontés de la nouvelle loi. Un point de vue partagé par les buralistes, qui pour le moment improvisent pour ne pas trop dépenser, par l’installation d’un placard fermé derrière eux, d’une malle sous le comptoir, voire même d’un simple rideau devant les produits à dissimuler. Car si un nouveau business est en train de voir le jour en Belgique, celui des tiroirs à cigarettes, il est lucratif. Leur installation représente un investissement chiffré entre 2000 et 4000 € pour les détaillants.
Si des buralistes ont déclaré avoir failli perdre des clients, comme Aurélie Leroux de la boutique Tab&Co du Bizet, à la frontière franco-belge, pour Franceinfo, l’heure n’est pas à l’affolement pour autant du côté des buralistes. Car ces derniers peuvent compter sur leurs clients réguliers, ainsi que sur une nouvelle clientèle, celle qui achetait autrefois son tabac en supermarchés.
Interdiction d’étalage des produits du tabac et des produits du vapotage : une mesure du plan national anti-tabac
Malgré l’insatisfaction des détaillants, la Belgique ne compte pas faire marche arrière. Car l’interdiction d’étalage des produits du tabac et des produits du vapotage désormais en vigueur est inscrite au plan national anti-tabac du pays, mis au point fin 2022, inscrit dans l’objectif fixé par l’U.E d’atteindre une génération sans tabac en 2040, avec moins de 5 % de fumeurs.
Un plan que la Belgique suit scrupuleusement, qui a déjà abouti à l’interdiction des sachets de nicotine ainsi qu’à celle de certaines fonctionnalités des cigarettes électroniques, à l’obligation d’une présentation neutre des arômes sur les packagings des e-liquides, à l’instauration d’une taxe des e-liquides, à l’extension de l’interdiction de fumer à davantage de lieux, et enfin à l’interdiction des puffs. La Belgique continue donc sur sa lancée, en portant des attaques indifférenciées au tabac et à la vape.
D’après le SPF Santé publique, les autorités belges ont d’ailleurs instauré cette interdiction d’étalage pour réduire la visibilité du tabac comme des cigarettes électroniques, pour « dénormaliser le tabagisme et limiter les achats impulsifs », notamment auprès des jeunes, estimés plus vulnérables à la dépendance à la nicotine. Elle vient ainsi renforcer le plan de lutte belge contre l’entrée dans le tabagisme ou le vapotage des 15-25 ans.
Et ce n’est pas fini ! Car la Belgique a déjà communiqué la prochaine mesure à venir : l’interdiction de vente du tabac dans des points de vente éphémères, comme les festivals. Elle devrait entrer en vigueur en juillet 2025.