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Le commerce parallèle du tabac dans le collimateur de la France

Le commerce parallèle du tabac dans le collimateur de la France

Le commerce parallèle du tabac limite les politiques françaises de santé publique visant à en réduire la consommation.

C’est le constat dressé par Frédéric Valletoux, président de la commission des Affaires sociales, ancien ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, ainsi que par 32 députés français, tous signataires d’une proposition de résolution relative à la mise en œuvre du Protocole de l’Organisation mondiale de la Santé pour « lutter contre le commerce illicite de tabac ».

Daté du 13 février 2025, le texte demande au Gouvernement de plaider au niveau européen l’application du protocole de l’Organisation Mondiale de la Santé, autrement dit l’instauration d’un quota de livraison de tabac par pays, fondé sur la consommation réelle de ses habitants.

Coup d’œil.


La France lutte depuis longtemps contre le commerce parallèle du tabac

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En France, le commerce parallèle du tabac prive encore le pays de 2,5 à 3 milliards d’euros de recettes par an. Mais ce n’est pas la seule raison qui explique qu’il préoccupe de plus en plus les législateurs.

Ces derniers le tiennent surtout pour responsable, en grande partie, de l’échec des politiques de santé publique visant à réduire la consommation de cigarettes par la population française. C’est pourquoi de nombreuses mesures ont été mises en place par le passé pour freiner le marché parallèle des produits du tabac.

Des mesures sans succès

Aggravation des peines encourues en cas de trafics de tabacs via la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023. Majoration de la peine prévue pour la fabrication, la détention frauduleuse en vue de la vente, la vente hors du monopole, l’introduction ou l’importation frauduleuse de tabacs manufacturés d’un à trois ans de prison, et de cinq à dix ans en cas de bande organisée. Création d’une interdiction du territoire français pouvant aller jusqu’à dix ans. Renforcement des contrôles douaniers… La longue liste des mesures prises par les législateurs français n’a jamais permis d’enrayer le commerce parallèle du tabac, qui ne fait que croître dans le pays.

Le commerce parallèle du tabac : une ampleur inédite en France

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Le commerce parallèle du tabac a pris une ampleur inédite en France, de 10 à 30 % des achats de cigarettes n’étant plus effectués chez les buralistes français.

Un rapport d’information relative à l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, réalisé en septembre 2021, indique qu’entre 16 % et 20 % des volumes de vente de tabac découlent du commerce illicite.

Une étude datant de mai 2024 de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), nommée L’approvisionnement en tabac des fumeurs en France, évoque de son côté que 10 % à 20 % des achats de cigarettes sont réalisés en France hors des bureaux de tabac.

Un rapport de 2021 nommé Consommation de cigarettes de Contrefaçon & Contrebande (C&C) et consommation totale, du cabinet d’audit et de conseil KPMG, financé par le cigarettier Philip Morris Products SA, se veut plus alarmiste et estime ce chiffre à 30 %. Ce même rapport évalue ainsi à 16 milliards la part des cigarettes issues du marché parallèle sur les 52 milliards consommées chaque année en France.

Les achats transfrontaliers en cause

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La France ayant déjà pris des mesures pour lutter contre le tabac de contrebande, l’ampleur du phénomène a une autre origine : les achats transfrontaliers. Les législateurs français estiment que la moitié des cigarettes issues du marché parallèle proviennent de ces achats, plus avantageux financièrement pour les consommateurs.

Là encore les chiffres parlent d’eux-mêmes, car les départements français frontaliers de l’Andorre, de la Belgique, de l’Espagne, de l’Italie, du Luxembourg et de la Suisse, où le tabac est moins cher qu’en France, sont les plus touchés. Il faut dire qu’un paquet de cigarettes coûte en moyenne 40 % de moins au Luxembourg qu’en France. En Moselle par exemple, les buralistes ont ainsi vu leurs ventes de tabac diminuer de 46,2 % ces dernières années.

Pour cette raison, les législateurs français ont dans le collimateur le sur-approvisionnement des vendeurs de tabac de tous ces pays limitrophes de l’hexagone, qui fournissent les fumeurs français en cigarettes au détriment des buralistes, de l’état, et des efforts de hausse des prix entrepris pour décourager les français à fumer.

Pour l’enrayer, Frédéric Valletoux et les 32 députés français à l’origine de la proposition de résolution comptent sur le protocole « pour lutter contre le commerce illicite de tabac » de l’OMS, adopté en 2012 par la Conférence des Parties à Séoul, ratifié par la France en 2015, et entré en vigueur en 2018. Car en 2016, l’Union européenne l’a ratifié à ce tour, rendant possible l’instauration d’une traçabilité des produits du tabac à l’échelle européenne, avec des quantités rationnées par pays en fonction de la consommation de ses seuls habitants, qui couperait court aux achats transfrontaliers dans l’U.E.

Que prévoit le protocole de l’OMS « pour lutter contre le commerce illicite de tabac » ?

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Le protocole « pour lutter contre le commerce illicite de tabac » de l’OMS prévoit d’imposer aux États des mesures de contrôle de la chaîne logistique des produits du tabac. Il s’agirait plus précisément d’un contrôle de la production de tabac et des quantités livrées dans chaque pays, réalisé directement à partir des usines de fabrication, par une traçabilité totalement indépendante des fabricants, afin de les empêcher d’organiser le marché parallèle.

La plus contraignante de ces mesures, la vérification diligente, obligerait plus précisément chaque État à respecter un quota de livraison de tabac fondé sur la consommation annuelle de ses habitants, qui pourrait évoluer chaque année en fonction des priorités de santé publique et fiscales, mais ne pourrait jamais dépasser +5 % de la quantité nécessaire, réactualisée chaque année en fonction de la consommation réelle enregistrée l’année précédente. Il leur deviendrait donc impossible de se fournir davantage pour approvisionner un marché transfrontalier.

Que prévoit la proposition de résolution pour contrer le commerce illicite des produits du tabac en France ?

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Coprésentée par 32 députés, la proposition de résolution déposée par Frédéric Valletoux, président de la commission des Affaires sociales, ancien ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, prévoit donc d’instaurer un système de traçabilité des produits du tabac couplé à des quotas de livraison de tabac par pays correspondant à la consommation de ses seuls habitants.

« L’Assemblée nationale […] Invite le Gouvernement à prendre l’initiative de plaider au niveau européen, en amont de l’élaboration de la prochaine directive européenne sur les produits du tabac, l’application pleine et entière du Protocole de l’Organisation mondiale de santé afin que soient mis en place des quotas de livraison de tabac par pays, fondés sur la consommation domestique ; »

« Affirme dans un souci d’efficacité de notre politique de lutte contre le tabagisme, en général, et contre le commerce illicite du tabac, en particulier, l’impérieuse nécessité de renforcer les contrôles de la chaîne logistique à travers l’instauration d’un système de suivi et de traçabilité indépendant. »

Si cette proposition venait a être adoptée, elle n’aurait toutefois aucun pouvoir contraignant. Malgré cela, la France deviendrait le premier pays de l’Union européenne à mettre en place la traçabilité indépendante des produits du tabac, et montrerait la voie à quelques mois de l’élaboration de la prochaine directive européenne sur les produits du tabac.


La proposition de résolution pour contrer le commerce illicite des produits du tabac en France a-t-elle des chances d’aboutir ?

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La proposition de résolution pour contrer le commerce illicite des produits du tabac en France a des chances de convaincre le parlement français et le gouvernement. Car le 4 novembre 2024, lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le Gouvernement a fait part de son souhait de défendre activement l’application du protocole de l’OMS au niveau européen.

Pour autant, il lui restera un dur chemin à parcourir encore, car les pays limitrophes qui profitent actuellement des achats transfrontaliers des consommateurs français pourraient s’opposer fortement à ce projet européen, puisqu’ils représentent une vraie manne financière pour eux. Le Luxembourg notamment, dont les recettes de ventes de tabac ne cessent d’augmenter grâce aux fumeurs frontaliers, alors que seulement 10 % à 15 % d’entre elles concernent les luxembourgeois.

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