Le Monde de la Vape,

La vape à l’heure du gouvernement Attal

La vape à l'heure du gouvernement Attal

Aurélien Rousseau l’avait annoncé. Il a démissionné du gouvernement lorsque le Parlement a adopté la loi « immigration » de Gérald Darmanin, le 20 décembre 2023, en laissant provisoirement le ministère de la Santé entre les mains d’Agnès Firmin Le Bodo.

Le lundi 8 janvier 2024, c’était au tour d’Elisabeth Borne, Premier ministre, opposée à l’utilisation de produits à risques réduits dans sa politique de lutte contre le tabagisme, malgré sa propre utilisation d’une cigarette électronique. Le lendemain, Gabriel Attal, également vapoteur, lui succédait. Il ne tarda pas à composer son équipe gouvernementale, et à nommer un nouveau ministre de la Santé.

Peut-on espérer mieux pour la vape à l’heure du gouvernement Attal ? Comment envisage-t-il la question de la santé publique ? Que sait-on du positionnement du nouveau Premier ministre vis à vis de la réduction des risques tabagiques ? Faisons ensemble le point.


Gouvernement Attal : pro ou anti vape ?

Gouvernement Attal : pro ou anti vape ?

Comme sa prédécesseure, Gabriel Attal a pour petite habitude de vapoter. Est-ce là une bonne nouvelle pour la vape pour autant ? Pas nécessairement, si l’histoire se répète et que le Premier ministre poursuit le travail de santé publique et de lutte antitabac mené par Elisabeth Borne, qui n’a jamais défendu ni les cigarettes électroniques ni la réduction des risques, malgré sa consommation personnelle de produits du vapotage.

On doit en effet au gouvernement Borne une politique anti réduction des risques sévère, incluse dans un Programme National de Lutte contre le Tabagisme (PNLT) qui rapproche dangereusement la cigarette électronique du tabac. Si Gabriel Attal décide de s’inscrire dans cette lignée, les projets initiés contre le vapotage se poursuivront. L’interdiction des puffs ne sera pas stoppée, la vape sera taxée, le paquet neutre sera instauré et de nombreux arômes pour e-liquides disparaîtront même s’ils sont chers à de nombreux vapoteurs français.

L’ancien ministre délégué chargé des Comptes publics auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et ancien ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse n’a toutefois pas encore communiqué son positionnement vis à vis de la vape.

Gabriel Attal a composé son équipe gouvernementale le 11 janvier 2024, afin d’atteindre les objectifs de « réarmement civique, économique et écologique du pays » et de « régénération » souhaités par Emmanuel Macron, et de mener à bien l’ensemble des missions prioritaires qui lui ont été confiées. Ce faisant, il a modifié la structure même du ministère de la Santé.

Un nouveau « super ministère » alliant Travail, Santé et Solidarités, chargé du PNLT

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Exit le ministère de la Santé et de la Prévention, place à un « super ministère » comprenant Travail, Santé et Solidarités sous le gouvernement Attal, dont la création n’a pas réjoui le milieu médical.

Jusqu’alors 14ème au rang du protocole gouvernemental, le ministère de la Santé vient de changer de place. Pour certains, par cette action de Gabriel Attal, il viendrait de remonter enfin au 3ème rang protocolaire, et témoignerait d’une importance accrue accordée à la santé publique par le nouveau gouvernement.

Pour d’autres, majoritaires, c’est une douche froide, la fin d’un ministère de la Santé de plein exercice, la quasi disparition d’un ministère capital dans un regroupement trop vaste pour pouvoir tenir compte de ses spécificités. Une sorte d’aveu que la santé publique serait devenu un sujet secondaire, d’ailleurs à la seconde place du nouveau méga ministère. Auquel cas une lutte efficace contre le tabagisme incluant la réduction des risques à l’aide de la vape serait encore moins une priorité en France.

« Réunir ces énormes ministères, alors qu’on connaît une crise sociale, une crise de l’hôpital, c’est se foutre de la gueule du monde. »

Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France.

« Notre système est au sol au bout de trente années de politiques sanitaires qui ont échoué, car elles ont voulu regarder la santé uniquement sous le prisme de l’économie. […] Alors que le système de santé est en état d’urgence, sa direction relève de responsables au fait de sa complexité, de ses spécificités et du rôle et des difficultés de ces acteurs. Nous n’avons pas le temps des expérimentations ! »

Union Française pour une Médecine Libre – Syndicat, communiqué de presse du 12 janvier 2024.

« Le problème dans la composition de ce gouvernement, c’est que, sur toutes les priorités des Françaises et des Français, il n’y a plus de ministres. Il n’y a plus de ministre de la Santé, l’Éducation nationale est noyée dans un grand ministère des Sports, il n’y a plus de ministre de l’Industrie, il n’y a plus de ministre du Logement alors qu’on est dans la plus grave crise du logement. »

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.

Catherine Vautrin : une conservatrice à la tête du « super ministère »

Organigramme gouvernement Gabriel Attal

Organigramme du gouvernement Attal (source)

Virage à droite toute ! Avec huit ministres de droite contre trois ministres de gauche, la balance du remaniement penche plus d’un côté que de l’autre. Catherine Vautrin, en tête du ministère élargi au Travail, à la Santé et aux Solidarités, depuis le 11 janvier 2024, est elle-même issue des Républicains, de la droite libérale.

Elle est surtout connue pour son positionnement conservateur, notamment au sujet du mariage pour tous, auquel elle était fermement opposée. Ce qui ne laisse pas présager de l’impulsion d’un nouvel élan à la lutte anti-tabac à l’aide d’outils novateurs de réduction des risques, comme la cigarette électronique, même si Catherine Vautrin ne s’est pas encore exprimée au sujet du vapotage.

Des inquiétudes émergent aussi au sein de la communauté médicale et des militants à propos de la position qu’elle pourrait adopter au sujet d’enjeux majeurs. C’est le cas pour la fin de vie, qui devrait faire l’objet de la présentation d’une loi au parlement courant 2024, parce que Catherine Vautrin s’est toujours opposée à toute légalisation de l’aide active à mourir. C’est aussi le cas pour le droit à l’avortement, dont le projet d’inscription dans la constitution sera soumis au vote des parlementaires réunis en Congrès le 5 mars prochain.

Sa nomination à un tel poste inquiète aussi les professionnels de la santé en raison du parcours non médical de la ministre, novice en la matière, et diplômée en droit des affaires, qui laisse présager à un pilotage de la santé sous le prisme de l’économie, encore, alors que le secteur traverse une crise sans précédent.

« Alors que la santé est l’une des préoccupations prioritaires de l’ensemble de nos concitoyens, alors que l’implosion du système de santé est observée par tout le monde, alors que le Premier Ministre s’est engagé, lors de la passation de pouvoir, à agir au « renforcement de nos services publics […], la santé, et en premier lieu, l’hôpital »… la Santé […] est confiée à une Ministre dont le parcours professionnel et politique n’a jamais croisé le système de santé. »

Action Praticiens Hôpital

En effet, à 63 ans, l’actuelle présidente de la métropole de Reims a certes un riche parcours mais pas dans le domaine sanitaire. Catherine Vautrin a été vice-présidente de l’Assemblée nationale, secrétaire d’État à l’Intégration et à l’Égalité des Chances, secrétaire d’Etat aux Personnes âgées, et enfin ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité. 

Agnès Pannier-Runacher : une technocrate pour la seconder

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Pour seconder Catherine Vautrin à la tête du méga ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, Agnès Pannier-Runacher, une énarque entrée au gouvernement en 2018, ancienne ministre de la transition énergétique depuis 2022 sous le gouvernement d’Elisabeth Borne, sera nommée ministre déléguée en charge de la Santé dans le gouvernement du nouveau Premier ministre Gabriel Attal, d’après FranceInfo.

Une nomination à venir qui ne réjouit pas plus la communauté médicale que celle de Catherine Vautrin à la tête du ministère, compte tenu d’une expérience jugée trop maigre et technocratique dans le domaine de la santé, qui se résume à deux postes. Agnès Pannier-Runacher a dirigé le cabinet de Rose-Marie Van Lerberghe, directrice générale de l’APHP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris) pendant trois ans.

Puis, en charge du ministère de l’Industrie pendant la crise du Covid, elle pilota la « task force », dont les objectifs étaient d’acheter des masques sur les marchés internationaux en pleine pénurie, puis de contrer cette pénurie en relançant la production en France, et d’approvisionner le pays en vaccins, sur le marché européen, en négociant les prix avec les laboratoires fabricants. Elle avait alors déploré la lourdeur et la lenteur de l’administration sanitaire, qu’elle devrait donc secouer désormais.

Car les enjeux sont nombreux, avec en tête la crise de l’hôpital public, et le manque de soignants généralisé. La lutte contre le tabagisme et la question de la réduction des risques et des cigarettes électroniques ne seront certainement pas prioritaires pour Agnès Pannier-Runacher, la « ministre de crise » qui sera très bientôt en charge du délicat portefeuille de la Santé. Elle n’a en tout cas pas encore communiqué au sujet de son positionnement vis à vis de la vape.

Dans un tel contexte, il est impossible de prédire ce qu’il adviendra du Programme National de Lutte contre le Tabagisme (PNLT) issu du gouvernement Borne, dont le dossier pourrait même être délégué. Espérons en tout cas que les prises de décision de la future ministre déléguée en charge de la Santé, qui concerneront l’avenir de la vape en France, seront davantage influencées par les données scientifiques qui attestent du bien-fondé de faire de la réduction des risques une partie intégrante de la lutte contre le tabagisme, que par des intérêts économiques.


Merci la vape : objectif 100 000 soutiens contre le PNLT

Merci la vape : objectif 100 000 soutiens contre le PNLT

Avec plus de 84000 signatures, la mobilisation pour l’opération Merci la vape initiée par l’AIDUCE, SOVAPE, LA VAPE DU COEUR et la FIVAPE est sans précédent dans l’histoire de la défense du vapotage pour la réduction des risques et de la lutte contre le tabagisme. Pourtant, les associations ont décidé de laisser la pétition ouverte dans le but d’atteindre l’objectif symbolique de 100 000 soutiens.

Dans leur dernier communiqué en date du 4 janvier 2024, avant que Gabriel Attal ne succède à Elisabeth Borne et ne nomme ses ministres, les associations AIDUCE, SOVAPE, LA VAPE DU CŒUR et FIVAPE appelaient déjà les pouvoirs publics à faire évoluer le PNLT grâce à un travail intègre d’évaluation du rapport bénéfices/risques des nouvelles pratiques à risques réduits, dont le vapotage, et la prise de mesures justes vis à vis des cigarettes électroniques, pour une lutte contre le tabagisme plus efficace. 

Le remaniement ministériel apporte-t-il l’espoir que la demande des associations soit entendue ? Rien ne permet encore de le dire. La mobilisation est donc plus que jamais indispensable pour montrer sans attendre au nouveau gouvernement Attal, et plus particulièrement à Catherine Gautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, ainsi qu’à Agnès Pannier-Runacher, future ministre déléguée en charge de la Santé, l’ampleur de la protestation contre un Plan National de Lutte contre le Tabagisme (PNLT) qui ne prend pas suffisamment en compte les nouvelles pratiques de réduction des risques.

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