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Interdiction des puffs : la Commission européenne donne son accord

Interdiction des puffs : la Commission européenne donne son accord

Du nouveau au sujet de la proposition de loi transpartisane en faveur de l’interdiction des puffs, ces dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, en procédure accélérée d’adoption depuis le 16 novembre 2023. Voté en décembre 2023 par l’Assemblée nationale puis en février 2024 par le Sénat, le texte de loi avait trouvé sa forme finale en mars 2024 en commission mixte paritaire. Depuis, il avait besoin de l’autorisation de la Commission européenne, saisie par la ministre de la santé de l’époque, Catherine Vautrin, pour pouvoir franchir un nouveau cap.

C’est chose faite désormais. La Commission européenne donne son accord à la France pour l’interdiction des puffs. Un accord seulement partiel toutefois, détaillé dans une décision datée du 25 septembre dernier.

Qu’a donc décidé la Commission européenne précisément ? Pour quelles raisons a-t-elle accepté de donner son feu vert à la France ? Où en est l’instauration de la loi maintenant ? Par ici pour un point complet !


Interdiction des puffs : les exigences de la Commission européenne anticipées en commission mixte paritaire

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C’est dans le cadre d’une commission mixte paritaire Assemblée nationale et Sénat que la proposition de loi d’interdiction des puffs a pu définitivement être votée en France en mars 2024. Il en a résulté une annexe, une proposition finale pour les dispositions jusqu’alors non résolues, restées en discussions. Il a ainsi pu être obtenu une version finale du texte de loi, notifiée à la Commission européenne dans l’espoir d’obtenir son autorisation d’entériner la loi et de la promulguer.

Les décisions de la Commission mixte paritaire vis à vis de la proposition de loi

« Art. L. 3513‑5‑1. – Sont interdites la fabrication, la détention en vue de la vente, de la distribution ou de l’offre à titre gratuit, la mise en vente, la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit des dispositifs électroniques de vapotage mentionnés au 1° de l’article L. 3513‑1, à l’exception des cartouches, qui présentent au moins l’une des deux caractéristiques suivantes : 1° Être pré‑rempli avec un liquide et ne pouvoir être rempli à nouveau ; 2° Disposer d’une batterie non rechargeable. »

À cette partie essentielle de la proposition de loi d’interdiction des puffs notifiée à la Commission européenne, la commission mixte paritaire a surtout ajouté une entrée en vigueur immédiate de la loi, au lendemain de sa publication au Journal officiel. Pour ceci, elle a voté la suppression du dernier alinéa de l’article 1er, qui prévoyait un délai maximal de six mois pour son entrée en vigueur. Une décision prise en raison du délai de six mois nécessaire à la Commission européenne pour l’examen du document dès sa date de sa notification, qui a été jugé suffisant pour permettre aux buralistes et aux boutiques spécialisées de vapotage, entre autres acteurs, d’anticiper l’entrée en vigueur de l’interdiction.

Un objectif : augmenter les chances d’obtenir l’accord de la Commission européenne

Un rapport rendu par les rapporteurs députés Michel Lauzzana et Francesca Pasquini, ainsi que le rapporteur sénateur Khalifé Khalifé, détaille le déroulement de l’examen des dispositions lors de cette commission mixte paritaire. L’on y découvre l’objectif de la mission pour Michel Lauzzana : s’assurer que le texte final optimise les chances d’obtenir un accord de la Commission européenne.

« Il s’agit tout d’abord de prévenir les contentieux que ne manqueraient pas d’engager les entreprises voyant disparaître la manne des puffs fabriquées en Chine et vendues à nos adolescents. Ensuite, l’objectif est surtout de mettre toutes les chances de notre côté quant à la notification à la Commission européenne. En effet, sur le fondement des directives du 3 avril 2014 sur les produits du tabac ou connexes et du 9 septembre 2015 sur divers aspects de la libre circulation des biens et services, la France devra justifier que les puffs, par leur caractère jetable ou à usage unique, présentent une spécificité en matière de santé publique et de positionnement sur le marché. [ ] L’exemple de la Belgique, dont une première tentative d’interdire les puffs en 2022 n’avait pas été validée, mais qui a persévéré et obtenu avant-hier une réponse positive de la Commission européenne, confirme que nous avons eu collectivement raison d’être très rigoureux sur le choix des mots de notre proposition de loi et de ne pas céder à l’envie de déborder sur le sujet des nouveaux produits nicotiniques. »

Il y avait donc peu de chances que la Commission européenne ne donne pas son accord à la France pour interdire les puffs.

Interdiction des puffs : la Commission européenne donne son accord, mais seulement pour celles nicotinées

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La victoire française n’est toutefois pas totale, car si la Commission européenne donne son accord à la France pour l’interdiction des puffs, elle pose plusieurs conditions dans une décision d’exécution publiée sur sa page dédiée aux notifications en lien avec la TPD, et n’approuve que partiellement la mesure nationale notifiée par le gouvernement français. Tout d’abord, elle a décidé d’autoriser uniquement l’interdiction des puffs contenant de la nicotine, en expliquant dans la première partie de ses conclusions :

« En prenant en considération l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine poursuivi par la Directive 2014/40/UE, l’interdiction nationale de la fabrication, de la détention en vue de la vente, de la distribution ou de l’offre gratuite, de la mise en vente, de la vente, de la distribution ou de l’offre gratuite de cigarettes électroniques jetables contenant de la nicotine peut être considérée comme conforme aux exigences fixées à l’article 24, paragraphe 3, de la Directive, dans la mesure où elle concerne les cigarettes électroniques jetables qui sont destinées à être mises sur le marché en France ou qui sont mises sur le marché en France. »

Il en a résulté l’article premier de sa décision :


« Les dispositions nationales notifiées par la République française au titre de l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2014/40/UE sont approuvées dans la mesure où elles concernent les cigarettes électroniques jetables contenant de la nicotine qui sont destinées à être mises sur le marché en France ou qui sont mises sur le marché en France. »

À retenir

La décision de la Commission européenne autorise le gouvernement français à interdire uniquement les cigarettes électroniques jetables qui contiennent un e-liquide nicotiné, et uniquement si elles sont destinées au marché français ou déjà commercialisées en France.

La Commission européenne rejette l’interdiction des cigarettes électroniques rechargeables en e-liquide, à batterie non rechargeable

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Une autre modification majeure du texte de loi est exigée par la Commission européenne : il ne devra pas interdire les e-cigarettes puffs nicotinées dans le cas où elles soient rechargeables en e-liquide, et ce même si leur batterie ne peut être rechargée. La Commission européenne précise la raison de cette décision dans la seconde partie de ses conclusions :

« Cette conclusion ne s’étend toutefois pas aux cigarettes électroniques pouvant être remplies à nouveau avec un liquide et disposant d’une batterie non rechargeable (relevant uniquement du 2° de la mesure notifiée), ni aux cigarettes électroniques jetables qui sont destinées à être mises sur le marché en dehors de la France ou qui sont mises sur le marché en dehors de la France. En ce qui concerne ces aspects, la France n’a pas encore démontré que la mesure notifiée est justifiée par des motifs relatifs à sa situation spécifique et que la mesure nationale notifiée est justifiée, nécessaire et proportionnée à l’objectif de protection de la santé publique. »

Il en a résulté l’article 2 de sa décision :

« Sur la base des données et informations disponibles communiquées par la France, les dispositions nationales notifiées par la République française au titre de l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2014/40/UE sont rejetées dans la mesure où elles concernent :
– les cigarettes électroniques jetables contenant de la nicotine qui sont destinées à être mises sur le marché en dehors de la France ou qui sont mises sur le marché en dehors de la France ;
– les cigarettes électroniques contenant de la nicotine qui peuvent être remplies à nouveau avec un liquide et qui disposent d’une batterie non rechargeable. »

À retenir

La décision de la Commission européenne défend le gouvernement français d’interdire les cigarettes électroniques nicotinées jetables dès lors qu’elles peuvent être rechargées en e-liquide, même si leur batterie n’est pas rechargeable.

Interdiction des puffs : les raisons pour lesquelles la Commission européenne donne son accord

Interdiction des puffs : les raisons pour lesquelles la Commission européenne donne son accord

Une loi «justifiée, nécessaire et proportionnée à l’objectif de protection de la santé publique»

L’exécutif européen a estimé que l’interdiction des puffs, lorsque celles-ci sont nicotinées, est « justifiée, nécessaire et proportionnée à l’objectif de protection de la santé publique » en France, en égard aux informations détaillées fournies par la France dans sa notification concernant les cigarettes électroniques jetables. La Commission européenne considère en effet la nicotine comme une substance toxique hautement addictive, et a décidé d’autoriser la mesure pour protéger les jeunes français sous couvert d’arguments repris directement de la notification française, qui reposent du principe de précaution :

« Étant donné qu’une seule cigarette électronique jetable peut équivaloir à plusieurs paquets de cigarettes classiques, les jeunes peuvent développer une forte dépendance à la nicotine sans même s’en rendre compte. Comme l’ont souligné les autorités françaises, outre son effet addictif, la nicotine peut avoir un effet néfaste sur le développement cérébral, en particulier chez les jeunes. L’utilisation de cigarettes électroniques jetables risque également de constituer une porte d’entrée vers le tabagisme traditionnel chez les jeunes et les non-fumeurs. »

La décision de la Commission européenne est toutefois également étayée par des chiffres détaillés dans une évaluation qui précède ses conclusions. Des chiffres qui témoignent d’une augmentation significative de la part de marché des cigarettes électroniques jetables et de leur consommation en France, en particulier chez les jeunes, nécessitant, aux yeux de l’exécutif européen la prise de dispositions nationales :

  1. La Commission européenne rapporte que la France est à la deuxième place au sein de l’Union Européenne en termes de croissance des cigarettes électroniques jetables sur la base des notifications du PEC-UE, du fait d’une forte augmentation du nombre de ces produits entrant sur le marché français. Entre la mi-2021 et la mi-2024, l’augmentation constatée est de 2 779 %, faisant passer de 1 187 à 28 fois plus de produits actifs, soit 34 174. Soit une proportion de puffs jetables pour l’ensemble des cigarettes électroniques passée de 2,6 % à 28 %.
  2. L’exécutif européen cite aussi l’Eurobaromètre spécial 539, car il rend compte d’une consommation de cigarettes électroniques jetables en France (26 %) qui a fortement augmenté au cours des dernières années, surtout chez les jeunes, 36,5 % des consommateurs de cigarettes électroniques âgés de 15 à 24 ans ayant déclaré utiliser des cigarettes électroniques jetables, ce qui représente le pourcentage le plus élevé parmi tous les groupes d’âge, les autres ayant en moyenne 13 points de pourcentage en moins.

La Commission Européenne approuve aussi l’argumentaire de la France au sujet du contrôle très difficile de la publicité en ligne de ces produits, passant par les réseaux sociaux, notamment dans des groupes fermés qui empêchent de constater les infractions, alors même que les jeunes utilisent les réseaux sociaux de manière très intensive, et sont les plus touchés par cette publicité déployée. L’exécutif européen déplore également l’emballage, le design et les arômes de bon nombre de puffs commercialisées en France, qui ciblent à ses yeux une population très jeune. Il est aussi reproché aux cigarettes électroniques jetables et nicotinées leur large accessibilité dans de nombreux points de vente et en ligne, ainsi que leur facilité d’utilisation et leur prix bas, moindre que celui d’un paquet de cigarettes.

Une réponse à un enjeu environnemental

La Commission européenne a également estimé qu’autoriser l’interdiction des puffs nicotinées en France permettra de s’attaquer au risque environnemental qui résulte de l’utilisation de cigarettes électroniques jetables. Un risque présenté comme doublement problématique, puisqu’il entraîne à son tour un risque pour la santé publique :

« Contrairement à d’autres catégories de cigarettes électroniques, les cigarettes électroniques jetables engendrent des déchets plastiques, des déchets électroniques (à cause des circuits et des batteries lithium-ion incorporés) et des déchets dangereux (car elles contiennent de la nicotine et d’autres substances chimiques) après chaque utilisation complète de leur liquide, d’où une production de déchets sensiblement plus fréquente et plus abondante. »

Un argument là encore avancé par la France, repris par l’exécutif européen, qui pourtant entre en contradiction avec la décision de ne pas autoriser le gouvernement français d’interdire les puffs rechargeables uniquement en e-liquide, puisque leur batterie reste jetable et donc polluante à terme bien plus court qu’une batterie rechargeable.


Interdiction des puffs : les étapes à venir

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Même s’il s’agit d’un accord partiel, il n’empêche que la Commission européenne donne son accord à la France pour l’interdiction des puffs. Une décision prise le 25 septembre dernier. L’attente de l’accord de la Commission européenne pour l’interdiction des cigarettes électroniques jetables était le dernier rempart à l’instauration de la loi. Maintenant que le dernier voyant qui manquait est au vert, le balle est repassée dans le camp des parlementaires français.

Dès le lendemain de la réception de la notification de la décision d’exécution de la Commission, l’un des députés très clairement opposé aux puffs, Karl Olive, appelait d’ailleurs le gouvernement et le Parlement français à s’emparer du texte sans attendre, pour entériner la décision européenne. Il a pour cela interpelé le premier ministre Michel Barnier, la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq et la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet sur X

« Nous n’avons plus qu’à l’adopter définitivement afin que la loi s’applique au plus tôt ! »

À quelle date l’interdiction des puffs nicotinées sera-t-elle effective en France ?

Aucun calendrier précis n’a été communiqué pour le moment. Et pour cause : l’arrivée du nouveau gouvernement pourrait compromettre la reprise du chemin législatif du texte de loi. Un risque toutefois limité, puisque interdire les cigarettes électroniques jetables est, rappelons-le, une proposition de loi fédératrice car transpartisane, signée par 166 députés issus de 8 groupes politiques différents. La nouvelle ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, a d’ailleurs salué la décision de la Commission européenne avant de déclarer s’occuper dès maintenant des suites à donner au dossier, pour RMC.

Pour le moment, le dernier examen de la proposition de loi n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, en raison d’un calendrier chargé. Une fois que ce sera fait, il sera relu une ultime fois par la chambre avant d’être voté, puis sera transmis au Sénat qui devra faire de même. Ensuite, la loi devra encore être promulguée par Emmanuel Macron, président de la République.

Michel Lauzzana, co-rapporteur de la loi avec Francesca Pasquini, a déclaré pour RMC qu’une grosse heure suffirait à l’Assemblée nationale avant de procéder au vote du texte de loi, mais à partir du moment où il sera à son programme, ce qui pourrait n’arriver que dans des semaines ou des mois. Autrement dit : rien ne permet de déterminer quand le texte de loi en faveur de l’interdiction des puffs pourrait entrer en vigueur en France et impliquer le retrait de ces produits du marché français.

La date de fin décembre 2024 a cependant été avancée par le sénateur Khalifé Khalifé tout comme par l’ex députée écologiste Francesca Pasquini, qui a d’ailleurs déclaré :

« Je ne suis pas inquiète concernant les futurs votes à l’Assemblée et au Sénat le tout sera de l’inscrire rapidement à l’ordre du jour. »

À compter de l’entrée en vigueur de la loi, toute violation des interdictions sera sanctionnable d’une amende de 100 000 € maximum .  

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