C’est la fin de SOVAPE. L’association française engagée dans la lutte contre le tabagisme sous l’angle de la réduction des risques a annoncé sa dissolution dans un communiqué de presse le 06 octobre 2024. Une décision qui fait suite à de nombreuses attaques essuyées, et à un dialogue avec les décideurs complètement bloqué.
Le moment est venu pour nous de rendre hommage aux grandes actions de défense du vapotage de SOVAPE, et de revenir plus en détails sur les raisons qui ont tristement poussé ses membres à décider de la fin de SOVAPE.
SOVAPE [2016-2024] : des actes
Du premier Sommet de la vape de 2016 au Groupe de Travail Vapotage à la DGS
Avant d’exposer les raisons de la fin de SOVAPE, revenons un moment sur son histoire pour rendre hommage à ses victoires. Le premier Sommet de la vape a vu le jour en 2016 pour regrouper des scientifiques, des personnalités politiques, les autorités de santé de France et des bénévoles engagés dans la promotion de la réduction des risques tabagiques dans le but d’initier un dialogue autour du potentiel de la cigarette électronique pour le sevrage tagagique des fumeurs, et de permettre à la vape de jouer un rôle dans la réduction des risques.
Fondée en 2016 suite à cet évènement, dans le but de renouveler l’opération, par Jacques le Houezec (tabacologue), SOVAPE fut initialement présidée par lui-même et composée des autres membres suivants : Sébastien Béziau (vice-président et rédacteur de Vap’you), Nathalie Dunand (secrétaire générale et rédactrice pour vapingpost.com) et Laurent Caffarel (trésorier et vapoteur militant). Une équipe bénévole, indépendante de l’industrie du tabac et de l’industrie pharmaceutique.
Le travail effectué pour le premier Sommet de la vape aboutit à la création d’un Groupe de Travail Vapotage à la Direction Générale de la Santé (DGS). Ce dernier rendit possible un partage des points de vue de SOVAPE, de l’AIDUCE et de la FIVAPE aux hautes autorités de santé françaises. Le positionnement de SOVAPE était plus particulièrement d’informer sur le vapotage en apportant une information scientifique fiable aux décideurs politiques, et d’instaurer un dialogue ouvert pour permettre à la vape d’exister en France comme un outil de réduction des risques tabagiques.
Un chemin frayé pour la vape jusqu’au Mois Sans Tabac
En 2016, pour la première édition du Mois Sans Tabac, l’un des spots diffusé à la TV disait : « La cigarette électronique peut vous aider à arrêter de fumer. » Le positionnement de SOVAPE paya donc, dans un premier temps. L’association put aussi renouveler le Sommet de la Vape à deux reprises en 2017 puis 2019, et faire entendre le rôle à jouer de la vape dans la lutte contre le tabagisme. En 2017, Sante Publique France décida de créer le groupe Facebook Les Vapoteurs #MoisSansTabac porté par des bénévoles, dont certains membres de SOVAPE, pour permettre aux personnes qui voulaient arrêter de fumer à l’aide de la cigarette électronique de se motiver, d’échanger et de s’entraider.
Si le groupe dû être fermé fin novembre 2017 par Tabac Info Service faute de moyens, Sante Publique France apporta un soutien financier lors du Mois Sans Tabac 2018 pour la création d’un nouveau groupe Facebook dans le même but, appelé cette fois VAPE INFO SERVICE (désormais renommé INFO VAPE), et d’un site internet dédié, pour former les bénévoles sur le sevrage tabagique, la nicotine et les bonnes pratiques du vapotage pour un meilleur soutien des nouveaux membres. De 2016 à 2019, dans ce climat de dialogue ouvert, le tabagisme recula de manière inédite en France.
En 2018, suite aux départs de leurs postes de Jacques Le Houezec et de Laurent Caffarel, SOVAPE changea de conseil d’administration. Nathalie Dunand succéda à Jacques le Houezec à la présidence de l’association, Sébastien Béziau resta son vice-président, Philippe Poirson (rédacteur de Vapolitique) remplaça Laurent Caffarel à la trésorerie, et Thierry Pelé (infirmier) prit la place de secrétaire général qui incombait anciennement à Nathalie Dunand.
La création de l’ETHRA
Le climat d’échange cordial commença nettement à se détériorer en 2019, lorsque le nouveau directeur de la DGS, Jérôme Salomon, décida de déconstruire ce qui avait été bâti précédemment. Cette même année éclatait en juillet la crise EVALI, des cas de vapoteurs gravement malades, et de décès, aux Etats-Unis, relayés dans la presse internationale. En septembre, le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) recommandait de ne plus vapoter aucun e-liquide par précaution.
Des décideurs politiques se saisirent dès septembre de la recommandation du CDC pour commencer à instaurer une peur des e-liquides pour cigarettes électroniques et à faire passer des lois coercitives à leur égard. La presse internationale suivit, avec des titres encore plus alarmistes. Les ventes de produits du vapotage chutèrent, y compris en France.
En septembre 2019, en pleine crise, SOVAPE agit en co-créant l’European Tobacco Harm Reduction Advocates (ETHRA) composée de 23 associations européennes pour défendre la réduction des risques tabagiques auprès du Parlement de l’UE et de la Commission européenne. L’association put de cette façon participer à une table ronde au sein du Parlement Européen et instaurer un dialogue dans le cadre de la révision de la TPD. Elle poursuivit aussi son travail d’information en réalisant une vaste enquête de consommation en Europe au sujet du sevrage tabagique à l’aide de la vape pour déterminer le rôle que jouent les arômes et les taxes.
SOVAPE contribua également à diminuer la crise dans l’hexagone lors du 3ème sommet de la vape en octobre 2019 en donnant une interview à TF1 pour le Journal de 20h. Il fallut encore attendre novembre de la même année pour que l’acétate de vitamine E d’e-liquides au THC vendus au marché noir soit identifié comme seul responsable dans l’affaire. Mais le mal était fait, et la porte restée entrouverte à la désinformation et au dénigrement des données scientifiques. Le début d’un climat malsain qui allait, en 2024, sonner la fin de SOVAPE.
Merci la Vape avec l’AIDUCE, LA VAPE DU CŒUR et la FIVAPE
Depuis 2019, alors que bon nombre d’opposants auraient apprécié la fin de SOVAPE, l’association, dans sa volonté de délivrer une information fiable au sujet de la vape, rédige inlassablement des démentis face aux attaques que la cigarette électronique et la réduction des risques essuient, à savoir une diffusion de fake news, des mensonges, et l’instauration progressive d’une censure.
Face à un Programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT) 2023-2027 qui considère la vape comme l’ennemi à abattre, SOVAPE n’a cessé de tenter de rouvrir le débat avec les politiques et les autorités de Santé. La radicalisation croissante anti vape en France poussa SOVAPE, l’AIDUCE, LA VAPE DU CŒUR et la FIVAPE a lancer une grande opération Merci la Vape en 2023 pour défendre le rôle à jouer du vapotage dans le sevrage tabagique et la politique de santé publique de la France.
SOVAPE contribua alors à la plus grande enquête sur le vapotage jamais réalisée en France et à une pétition avec un taux de participation record. En mars 2024, le conseil d’administration de SOVAPE dut encore être modifié. Philippe Poirson en devint le vice-président, succédant à Sébastien Béziau. Valentine Delaunay (médecin addictologue) succéda à Philippe Poirson à la trésorerie. Un an après le début de l’opération, SOVAPE contribua à la publication du livre blanc Merci La Vape pour une politique d’intérêt général sur le vapotage, pour essayer d’ouvrir les yeux des autorités et des élus. Le dernier soubresaut avant la fin de SOVAPE.
Fin de SOVAPE : une mission « intenable »
Mais pourquoi la fin de SOVAPE arrive-t-elle finalement maintenant, après la participation record des français à l’opération Merci la Vape ? La présidente de SOVAPE a déclaré que le travail d’alerte effectué dans le livre blanc de Merci la Vape a constitué la dernière action que pouvait raisonnablement mener l’association. SOVAPE laisse désormais les associations partenaires de l’opération poursuivre le combat. Car SOVAPE a toujours eu un moyen d’action clair : le dialogue. Et c’est précisément là où le bat blesse, pour Philippe Poirson, vice-président de l’association, qui a accordé avec Nathalie Dunand, présidente de SOVAPE, une interview au Vapingpost :
« C’est la mission particulière de SOVAPE, établir un dialogue entre les parties prenantes, qui n’est plus possible. Nous avons un projet totalement différent de l’AIDUCE, par exemple, pour nous, toutes les portes se ferment. »
Une réflexion partagée par Nathalie Dunand, qui ajouta lors de cette interview au sujet de la fin de SOVAPE :
« Notre mission, c’était aussi d’organiser les Sommets de la vape et de produire des documents, mais là aussi c’est de plus en plus difficile, et le camp d’en face se radicalise. »
Dans son communiqué de presse, SOVAPE évoque en effet des problèmes allant au-delà du contexte de censure et de désinformation dont nous venons de vous parler. Car si l’association essuyait régulièrement des propos diffamatoires par voie de presse, les membres de SOVAPE devaient aussi affronter la pression de lobbyistes cigarettiers, entre autres, lors de leurs actions menées auprès de responsables politiques ou de l’administration française.
Plus grave encore, SOVAPE fait référence à des menaces et atteintes personnelles. C’est notamment le cas de Sébastien Béziau, en procès pour certains articles de son blog Vap’you, qui a décidé le 23 septembre 2024 de le clôturer. La fin de SOVAPE a également été motivée pour protéger des personnalités qui soutenaient le travail effectué par l’association, après que certaines d’entre elles aient subi des représailles dans leur sphère professionnelle.
Fin de SOVAPE : l’impossible sondage
Une autre raison est à l’origine de la fin de SOVAPE. Déjà lourdement entravée dans sa mission de dialogue avec les politiques et les autorités de santé publique, comme vous l’aurez compris, SOVAPE a décidé de sa dissolution lorsque l’institut de sondage français BVA mit fin à leur collaboration de 5 ans en refusant de réaliser la 6ème édition du sondage annuel de SOVAPE sur les perceptions des Français relatives aux risques du vapotage et de la nicotine.
Un refus motivé par l’acceptation d’un marché avec un acteur du domaine de la santé, qui en contrepartie impose de ne pas travailler avec des acteurs en lien avec le tabac ou la vape. Une information de trop sur la réduction des risques à laquelle SOVAPE a dû renoncer. L’association en a donc conclu qu’il était impossible de poursuivre son action de dialogue et a donc décidé de se dissoudre et d’annoncer officiellement la fin de SOVAPE.
Fin de SOVAPE : le reliquat de trésorerie donné à d’autres associations
La fin de SOVAPE après huit années d’activité ne signifie pas la fin du soutien à la réduction des risques tabagiques pour autant. Car l’association a fait le nécessaire pour que le riche contenu disponible sur son site internet reste accessible pendant dix ans. Qui dit fin de SOVAPE dit aussi redistribution de ce qu’il reste de ses moyens financiers. L’association a ainsi décidé de répartir le reliquat de sa trésorerie à parts égales entre plusieurs associations.
Tout d’abord l’Association Indépendante de Défense des Utilisateurs de Cigarettes Electroniques (AIDUCE), afin qu’elle puisse continuer à défendre les droits des vapoteurs et l’usage de cet outil de réduction des risques tabagiques. Ensuite, à la Vape du Cœur, pour qu’elle puisse poursuivre ses actions concrètes d’aide à l’arrêt tabagique auprès des populations en situation de précarité. Enfin, à l’Institut Pasteur, pour soutenir son travail de recherche scientifique. Malgré tout, il est sûr que le remarquable travail effectué par SOVAPE va manquer à la communauté.
Pour clore cet article, sachez que vous pouvez accéder à davantage de détails concernant l’ensemble des affaires qui ont entraîné l’une après l’autre le découragement puis la fin de SOVAPE, à partir de liens cités dans le communiqué officiel de l’association. Nous vous invitons ainsi chaleureusement à le consulter.