Catherine Vautrin, ministre française du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, avait annoncé le 29 mai dernier sa volonté d’étendre l’interdiction de fumer à davantage d’espaces publics. C’est chose faite désormais, grâce à un décret.
Ce décret n°2025-582 du 27 juin 2025 est entré en vigueur le 1er juillet, après sa publication au Journal officiel. Relatif à l’extension des espaces sans tabac de France, il renforce aussi la répression de la vente aux mineurs des produits du tabac et du vapotage.
Coup d’œil.
De nouveaux espaces sans tabac
Pour arriver à une génération sans tabac à l’horizon 2032 tel que prévu dans le cadre du Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027, le gouvernement a décidé de franchir un nouveau cap en renforçant la dénormalisation du tabagisme par la création, partout en France, de nouvelles zones où les cigarettes devront rester dans leurs boîtes. Les cigarettes électroniques, elles, ne sont pas visées par ces nouvelles restrictions d’usage dans les lieux publics.
Depuis le 1er juillet 2025, une nouvelle réglementation Espaces sans tabac est ainsi en vigueur. De nouveaux espaces ont rejoint la liste des lieux sans tabac, où fumer est strictement interdit par la loi. Ces nouveaux espaces, amenés à se développés encore davantage dans le futur, concernent pour le moment les endroits fréquentés par les enfants et les familles, qui ont été estimés les plus importants à protéger du tabagisme passif. La liste des environnements sans tabac étant mentionnée à l’article R. 3512-2 du code de la santé publique, cette disposition a été modifiée pour étendre l’interdiction de fumer à de nouveaux lieux, qui sont :
- – Les parcs et jardins publics ;
- – Les plages bordant des eaux de baignade, pendant la saison balnéaire ;
- – Les zones affectées à l’attente des voyageurs ;
- – Les espaces non couverts des bibliothèques ;
- – Les espaces non couverts des équipements sportifs au sens de l’article R. 312-2 du code du sport ;
- – Les abords immédiats des établissements scolaires, des établissements destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement des mineurs, des bibliothèques et équipements sportifs, dès la publication de l’arrêté qui viendra préciser que le périmètre doit être d’au moins 10 mètres ainsi que la nouvelle signalisation.
Cette liste s’ajoute aux lieux à usage collectif déjà devenus des espaces sans tabac progressivement depuis 1991 :
- – Les lieux fermés et couverts accueillant du public ou constituant des lieux de travail ;
- – Les moyens de transport collectif, mais aussi l’intérieur des voitures privées en présence de mineurs ;
- – Les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés ;
- – Les établissements destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement des mineurs ;
- – Les aires de jeux pour enfants.
Il est également interdit de fumer dans les bois et forêts, et jusqu’à une distance de 200 mètres de ceux-ci, pendant les périodes à risque d’incendie définies par arrêté préfectoral. Fumer est encore autorisé en terrasse de café ou de bar restaurant.
Le périmètre exact d’interdiction autour des lieux non clos bientôt fixé par arrêté ministériel
Les communes sont encore dans le flou pour le moment et ne savent pas exactement jusqu’où elles devront faire appliquer la nouvelle interdiction de fumer aux abords immédiats des établissements scolaires, des établissements destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement des mineurs, des bibliothèques et équipements sportifs.
Les périmètres exacts autour des lieux non clos, pour l’instant définis à « au moins 10 mètres », seront seulement prochainement fixés par arrêté ministériel, en fonction des risques d’exposition au tabac dans ces mêmes lieux. Dès lors, le tabac sera juridiquement interdit dans ces zones. Les maires disposeront du droit d’adapter ce périmètre à leur échelle, en fonction des réalités de terrain auxquelles ils pourront être confrontés.
Une contravention de 4ème classe en cas d’infraction
Le décret prévoit que toute infraction à l’interdiction de fumer dans ces nouveaux espaces sans tabac, pour le fumeur comme pour le propriétaire des lieux, pourra être sanctionnée par une contravention de 4ᵉ classe, soit une amende forfaitaire de 135 € à payer directement à l’agent verbalisateur, montant à 375 € en cas de majoration, et jusqu’à 750 € devant les tribunaux.
La généralisation d’initiatives locales au niveau national
Avant la publication de ce décret, 7 000 espaces sans tabac avaient déjà été déployés sur le territoire national (plages, parcs, forêts, abords d’écoles…) localement et de manière volontaire par certaines communes, via des arrêtés municipaux. Le décret, entré en vigueur le 1er juillet dernier, a donc pour but de généraliser ce phénomène au niveau national et de le rendre obligatoire. Il étend ainsi à l’ensemble du territoire français une interdiction qui avait déjà mise en place localement.
Ces communes, en l’absence d’une gestion au niveau gouvernemental, avaient dû développer et mettre en place leurs propres panneaux pour faire respecter l’interdiction de fumer sur les espaces définis par arrêtés municipaux. Ces signalétiques créées en amont de la nouvelle réglementation et de sa signalétique officielle resteront valides à condition de leur ajouter, si elles ne les comportent pas déjà, les mentions obligatoires.
Une signalétique nationale
Le communiqué de presse de Catherine Vautrin et de Yannick Neuder publié pour partager l’annonce du décret dévoile la signalétique officielle des “espaces sans tabac” fixée par un arrêté qui sera très prochainement publié. Elle a été conçue pour accompagner l’entrée en vigueur du décret dans le cadre du Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027. Elle a pour but d’informer clairement le public et de faciliter l’applicabilité de la mesure.
Le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles y annonce « une identité graphique claire, lisible et nationale » qui repose sur un monogramme facilement reconnaissable de par son langage universel, qui combine un pictogramme de géolocalisation et un symbole d’interdiction en associant le bleu et le rouge, couleurs de la République. Ce monogramme a été décliné en plusieurs versions pour indiquer au public plus précisément dans quel type d’espace sans tabac il se trouve.
Une version de la signalétique est donc spécifique aux plages sans tabac. Une autre réservée aux parcs & jardins sans tabac. Une autre encore juste pour les écoles sans tabac. Deux versions ont également été créées pour tous les autres lieux concernés par l’interdiction espace sans tabac (une version « espace sans tabac » générique, et une autre faisant mention d’un périmètre). Un dernier monogramme a été développé spécifiquement pour les emplacements fumeur identifiés.
Cette signalétique pourra être complétée par l’instauration d’autres dispositifs comme un marquage au sol, un affichage, ou un réaménagement du mobilier urbain, pour assurer une meilleure visibilité encore aux espaces sans tabac. L’apposition de la signalétique devra être effectuée durant les mois suivants l’entrée en vigueur du décret. Le gouvernement a mis à disposition des collectivités et des acteurs locaux impliqués dans le déploiement un kit d’accompagnement téléchargeable qui comprend les différentes signalétiques mises à disposition, la charte graphique d’utilisation des « Espaces sans tabac », ainsi qu’un flyer et une affiche informatives. Une foire aux questions a également été mise en ligne sur le site du ministère de la santé pour répondre à leurs interrogations.
Le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles précise que la responsabilité de l’apposition de la signalétique revient à différents acteurs en fonction du type d’espace sans tabac. L’apposition devra plus précisément être effectuée par les collectivités territoriales pour les espaces et établissements publics, sauf dans le cas où l’apposition devra se faire sur la façade d’un établissement géré par une personne privée (comme une crèche privée ou une installation sportive privée), auquel cas l’exploitant de l’établissement devra s’en charger. L’apposition de la signalétique à l’entrée de concessions de domaine public, comme des plages, reviendra quant à elle au concessionnaire responsable des lieux et de l’exploitation du service.
Une répression renforcée de la vente de produits du tabac et du vapotage aux mineurs
« Le décret étend l’interdiction de fumer aux abribus, aux parcs et jardins publics, aux plages, aux abords des bibliothèques, des enceintes sportives et des établissements d’enseignement primaire et secondaire, ainsi qu’aux lieux d’accueil et hébergement des mineurs. Il renforce les sanctions en cas de vente de produits du tabac et du vapotage aux mineurs, qui constitue désormais une contravention de cinquième classe. »
Conforme à l’annonce de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, le décret n°2025-582 encadre bel et bien l’interdiction de fumer dans plusieurs nouveaux lieux publics extérieurs fréquentés par les enfants et les familles.
Mais c’est loin d’être sa seule action, puisque ce décret renforce aussi la répression de la vente de produits du tabac et du vapotage aux mineurs en modifiant les articles R. 3515-5 et R. 3515-6 du Code de la santé publique. Le décret fait en effet passer cette infraction de la catégorie des contraventions de 4ème classe à celle des contraventions de 5ème classe. En droit pénal français, la contravention de 5ème classe est la catégorie la plus grave des contraventions, qui prévoit des sanctions financières et administratives plus lourdes que pour les quatre premières classes.
Depuis le 29 juin 2025, le non respect de l’interdiction de vente des produits du tabac et du vapotage aux mineurs n’expose ainsi plus les contrevenants à une amende de 750 € au maximum mais à une amende allant jusqu’à 1 500 €, portée même à 3 000 € en cas de récidive, et intégrée au régime de l’amende forfaitaire par modification de l’article R. 48-1 du Code de procédure pénale. Il reste maintenant à renforcer les contrôles pour rendre cette mesure efficace.
Pour quelles raisons la France a-t-elle décidé de développer davantage les espaces sans tabac ?
Le ministère de la Santé considère que les espaces sans tabac encouragent l’arrêt du tabac et préviennent l’exposition au tabagisme passif qui touche un million de français. Il provoque 3000 à 5000 morts par an et favorise le développement de maladies graves comme le cancer du poumon, l’accident vasculaire cérébral et les maladies cardiaques, en plus d’affections respiratoires. Lorsque l’exposition concerne de jeunes enfants, elle augmente le risque d’infections respiratoires, d’asthme ou d’otites, mais aussi du syndrome de mort subite du nourrisson. Le ministère rappelle que même de faibles doses et de brèves durées d’exposition sont problématiques, puisqu’il n’existe pas de seuil d’exposition à la fumée sans risque.
Le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a également décidé d’étendre les espaces sans tabac à de nouveaux lieux fréquentés par les enfants et les familles pour réduire la visibilité du tabagisme et dénormaliser la consommation de tabac. Il évoque l’existence de preuves scientifiques qui montrent que l’exposition visuelle au tabagisme incite à fumer, en particulier les enfants et les adolescents.
Dernier objectif de la mesure : améliorer la qualité de vie et l’environnement de nos lieux de vie en réduisant la pollution aux 30 milliards de mégots non biodégradables causée chaque année par le tabagisme en France. Chaque mégot jeté, bourré de substances toxiques, contamine en effet les sols, mais aussi les eaux jusqu’à 500 litres, et menace la biodiversité terrestre comme aquatique.
Une mesure préconisée par l’OMS et la commission européenne
Le décret français agrandissant la liste des espaces sans tabac s’inscrit dans le cadre de la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 3 décembre 2024 relative aux environnements sans fumée et sans aérosols qui considère l’élargissement des espaces sans tabac fondamental pour protéger les populations contre l’exposition à la fumée, dénormaliser le tabagisme et le réduire considérablement. Il répond donc à une volonté européenne.
La création d’espaces sans tabac à l’intérieur comme à l’extérieur, surtout en cas de fréquentation par des enfants, est aussi préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Sa Convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT), un traité international en vigueur depuis 20 ans, insiste en effet sur l’impératif de protéger les populations de l’exposition à la fumée du tabac.
La cigarette électronique, non bannie de ces espaces, mais pas oubliée pour autant
Si le vapotage ne sera pas interdit dans ces nouveaux espaces sans tabac définis par le décret n°2025-582, le marché de la vape ne sera pas laissé tranquille pour autant. La ministre française de la Santé travaille en ce moment même avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et la Haute Autorité de santé (HAS) au durcissement de la réglementation des cigarettes électroniques pour les rendre moins attractives, réduire le phénomène d’addiction nicotinique de façon plus large et favoriser le sevrage.
Un communiqué officiel, paru après la prise de parole de Catherine Vautrin sur le sujet, annonce que les produits du vapotage seront encadrés de façon plus stricte dès 2026, par une réduction du taux de nicotine autorisé et une limitation stricte des arômes autorisés.