Actualités,

Législation de la cigarette électronique : l’OPECST au rapport !

Législation de la cigarette électronique : l'OPECST au rapport !

Le 26 septembre dernier, l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), saisi par la commission des affaires sociales du Sénat, examinait et adoptait un rapport d’évaluation sur les produits à risques réduits, dont la cigarette électronique.

Intitulée Nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine : lever l’écran de fumée, cette 41ème note scientifique de l’office interroge leur nocivité, leur efficacité dans le cadre d’un sevrage tabagique, ainsi que le risque d’effet passerelle qui leur est associé. Un éclairage scientifique sur la législation actuelle de la cigarette électronique en France, sous forme d’une synthèse documentée et de recommandations d’amélioration.

Sur quelles références s’appuie ce rapport ? Quelles recommandations l’OPECST adresse-t-il aux parlementaires français vis à vis de la cigarette électronique ? Par ici pour un point complet.


Audits d’experts, études scientifiques : l’OPECST expertise la cigarette électronique et sa législation

1

L’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) est un organe d’information commun à l’Assemblée nationale et au Sénat, qui se compose de 18 députés et 18 sénateurs. Il a pour mission de scruter les choix scientifiques et technologiques effectués par le Parlement afin de l’éclairer sur les meilleurs décisions politiques à prendre en conséquence. L’objectivité est donc indissociable de sa fonction.

Afin de dresser un portrait honnête de la cigarette électronique et des autres produits à risques réduits disponibles en France, l’OPECST a scruté 82 publications et consulté 50 personnalités expertes en la matière, par contribution écrite ou audition, issus de la filière vape, tabac ou du secteur de la santé publique, pour n’omettre aucun point de vue. Leur liste est disponible à la fin de la 41ème note scientifique de l’Office.

Seuls trois audits ont été rendus publics par l’Assemblée Nationale et le Sénat, sans précision sur la raison de cette sélection. Parmi eux, deux sont issus du secteur de la vape : celui de Jean Moiroud, président de la Fédération interprofessionnelle de la vape (Fivape), et celui de Vincent Durieux et Florence Meslet, respectivement président et déléguée générale de France Vapotage. Claude Bamberger, président de l’AIDUCE a lui aussi été consulté, mais son intervention n’a pas été mise en ligne.

Le dernier audit publié est celui de plusieurs représentants de l’industrie du tabac : Benoit Bas pour Japan Tobacco France, Pascal Marbois pour British American Tobacco, mais aussi Cyril Lalo pour SEITA, et Stéphanie Martel pour Philip Morris France. Des membres d’organisations de lutte contre le tabagisme ont été interrogés à une autre occasion, notamment Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme (CNCT) et Loïc Josseran, président de l’Alliance contre le tabac (ACT).

Plusieurs experts en santé publique ont aussi dû s’exprimer sur le sujet à la demande de l’OPECST, dont Pierre Arwidson, directeur adjoint prévention et promotion de la santé à Santé publique France, Mehdi Benkhébil, directeur de la surveillance à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer (INCa), Benoît Labarbe, chef de l’unité d’évaluation des produits du tabac et produits connexes à l’Anses, Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), et Elise Riva, cheffe de bureau prévention des addictions à la Direction générale de la Santé.

Quelle nocivité pour la cigarette électronique selon l’OPECST ?

2

Dans son rapport pourtant bien documenté, l’OPECST estime encore lacunaires les connaissances scientifiques sur les risques sanitaires pour les usagers de cigarettes électroniques. Ce pour plusieurs raisons. D’abord, une absence d’études épidémiologiques surveillant les utilisateurs de produits du vapotage sur le long terme. Ensuite, la complexité à évaluer ces produits compte-tenu d’un grand nombre d’appareils et d’arômes différents disponibles.

L’Office ne considère donc pas la vape dénuée de tout danger mais admet malgré tout que les émissions produites par la cigarette électronique sont moins nocives que la fumée du tabac. Il cite même l’Agence de santé publique britannique, qui indique depuis 2015 que l’usage de la cigarette électronique est 95 % plus sûr que celui du tabac fumé.

Une citation toutefois confrontée dans leur note scientifique à l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) de 2021, qui déclarait qu’en absence de données épidémiologiques comparatives, il n’était pas possible de démontrer une réduction du risque sanitaire lors du passage du tabac fumé à la cigarette électronique, seulement d’en faire l’hypothèse dans le cas d’un usage exclusif de la cigarette électronique.

L’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques rappelle, en complément, que des émissions moins nocives ne garantissent pas une diminution proportionnelle du risque sanitaire pour l’usager. Elle évoque également une attitude de consommation problématique : le vapofumage, qui concernerait plus de la moitié des vapoteurs, qui ne permet pas de réduire les risques pour sa santé.

Un graphique mensonger du HCSP repris par le Sénat

3

Si l’OPECST se montre encore prudent vis à vis de la cigarette électronique, il a donc toutefois le mérite d’admettre sa moindre nocivité par rapport au tabac fumé.

Toutefois, un point particulier de cette partie dédiée aux risques sanitaires causés par la vape pose problème pour un travail qui se veut objectif : l’illustration des différences de nocivité entre différentes pratiques de tabagisme et de vapotage par la reprise d’un graphique provenant de l’avis sur les bénéfices/risques de la cigarette électronique du Haut Conseil de la santé publique (HCSP).

La nocivité de la cigarette électronique y apparaît à mi-hauteur de celle du tabagisme, pour indiquer que vapoter est seulement à moitié moins dangereux que fumer, sans que ce rapport de proportionnalité ne soit fiablement documenté. Une représentation très loin des -95% annoncés par l’agence de santé publique britannique, mais surtout en désaccord avec les données scientifiques qui font désormais consensus autour d’un risque bien plus faible.

L’association SOVAPE s’est déjà insurgée à ce sujet sur X (ex-twitter).

« Ce schéma p.22/148 du rapport du HCSP sur le vapotage est un FAUX, cette échelle des risques relatifs ne prend absolument pas en compte les données scientifiques qui font consensus. »

SOVAPE.

Quelle efficacité pour la cigarette électronique dans le cadre d’un sevrage tabagique selon L’OPECST ?

Quelle efficacité pour la cigarette électronique dans le cadre d'un sevrage tabagique selon L'OPECST ?

Dans sa note scientifique dédiée aux produits à risques réduits, l’OPECST rappelle que la réduction des risques engendrée par la cigarette électronique ne dépend pas que de sa propre nocivité, mais aussi de son potentiel à se substituer totalement au tabac, sans vapofumage.

Sur ce point précis, l’Office déplore des résultats d’études contradictoires qui ne permettent pas de trancher sur la question. Il rappelle qu’il existe des études qui concluent à plus d’efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique que les substituts nicotiniques officiels, et d’autres, qui estiment que de telles conclusions ne peuvent être tirées, ou évoquent à moyen terme un risque de rechute vers le tabagisme plus important avec la vape qu’avec un traitement officiel.

Pour autant, l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques rappelle l’engouement des fumeurs français pour la cigarette électronique dans le cadre d’un sevrage tabagique, qui fait partie des aides les plus fréquemment utilisées. En 2017, Santé publique France recensait 870 000 fumeurs convaincus de l’aide apportée par la vape.

L’OPECST estime que ce succès est dû à la facilité d’accès des cigarettes électroniques ainsi que leur proximité avec les cigarettes traditionnelles. Ce faisant, il conclut positivement en présentant la cigarette électronique de cette façon :

« Une nouvelle option s’ajoutant au panel des aides disponibles et susceptible de jouer un rôle pour une part de la population qui ne pourrait ou ne souhaiterait pas utiliser les traitements nicotiniques traditionnels. »

OPECST

La cigarette électronique, à risque d’effet passerelle vers le tabagisme pour l’OPECST ?

5

Concernant une éventuelle renormalisation du tabac et un probable effet passerelle de la cigarette électronique vers le tabagisme, le rapport de l’OPECST se montre assez objectif et ne se focalise pas que sur les jeunes générations.

Il rappelle que la cigarette électronique est majoritairement utilisée comme un outil de sevrage tabagique chez les adultes, fumeurs ou ex-fumeurs. Le risque d’un effet passerelle vers le tabac pour cette tranche d’âge est donc considéré comme très limité par l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques.

Concernant les jeunes générations, l’OPECST note l’existence de plusieurs études menées à l’international qui suggèrent que l’utilisation de la cigarette électronique à un jeune âge serait significativement associée à une entrée dans le tabagisme dans le futur. L’office souligne un point important pour ces mêmes études : l’absence totale de preuves d’un lien de causalité entre les deux. L’OPECST relève aussi la présence d’une étude française contradictoire, qui conclue que les jeunes fumeurs de 17 ans ayant expérimenté la cigarette électronique sont moins susceptibles de fumer quotidiennement que ceux qui ne l’ont pas fait.

Des puffs davantage problématiques

Dans sa note scientifique, l’OPECST s’appuie sur des chiffres de l’Alliance contre le tabac pour souligner que les cigarettes électroniques jetables ont rendu populaire la vape chez les plus jeunes, y compris les non fumeurs. D’après ces données, en 2022, 13 % des adolescents âgés de 13 à 16 ans avaient déjà utilisé une puff. Pour 28% d’entre eux il s’agissait de leur première prise de nicotine, au risque d’entraîner une addiction.

Si un effet passerelle de la puff vers le tabagisme n’est pas pointé du doigt, le risque de développer une addiction à la nicotine qui aurait pu être évitée à cause de ces e-cigarettes particulières est, lui, dénoncé par l’OPECST, qui déplore une interdiction de vente aux mineurs peu respectée, ainsi que des emballages et des prix attractifs pour cette tranche d’âge.

Un rôle des arômes majeur

L’OPECST précise que les puffs, qui cumuleraient les bons points pour plaire aux adolescents, présenteraient surtout des arômes qui les attirent, et plus particulièrement ceux dits « pièges à enfant », inspirés de sucreries ou portant un nom abstrait. Ces derniers auraient un rôle majeur, problématique.

Pour autant, l’OPECST n’oublie pas de tempérer cette observation portée sur les arômes par une donnée importante. Les e-liquides aromatisés permettent d’augmenter l’efficacité de la cigarette électronique pour le sevrage tabagique des adultes. Ces derniers sont en effet aussi friands de goûts autres que tabac, qu’ils utilisent de façon importante. Aussi, l’OPECST note des bénéfices et des risques à une éventuelle interdiction de ces mêmes arômes :

Si une interdiction de certains arômes pourrait permettre de réduire le vapotage chez les jeunes, elle serait également susceptible de rendre les cigarettes électroniques moins attractives comme outils de sevrage.

OPECST

Législation de la cigarette électronique : les recommandations de l’OPECST

Législation de la cigarette électronique : les recommandations de l'OPECST

Après son évaluation de la nocivité, de l’efficacité et du risque d’effet passerelle de la cigarette électronique, l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, qui rappelons-le a été saisi par la commission des affaires sociales du Sénat, dresse une liste de recommandations pour les parlementaires. L’organe d’expertise estime nécessaire quelques restrictions supplémentaires ainsi que le lancement de nouvelles études pour améliorer la loi qui encadre les e-cigarettes.

Des restrictions supplémentaires

Du côté des restrictions, tout d’abord, l’OPECST demande d’interdire les puffs, et apporte ainsi son soutien à la mesure annoncée par Aurélien Rousseau, ministre de la santé, pour le début 2024 . Cette réglementation ferait d’une pierre deux coups : en enrayant une aberration écologique, les parlementaires protègeraient aussi les plus jeunes de l’attractivité problématique de ces e-cigarettes jetables. L’organe d’expertise du Sénat et de l’Assemblée Nationale demande en parallèle d’interdire certains arômes qu’ils nomment dans leur rapport « pièges à enfants », en précisant qu’il s’agit de goûts inspirés de sucreries ou présentant un nom abstrait.

Autrement dit, la protection des adolescents passe finalement avant l’apport des arômes pour les adultes, qui ne sont pas complètement oubliés par l’OPECST toutefois. L’office demande en effet de conduire des études sur la nocivité des différents arômes et sur leur rôle dans le sevrage tabagique comme dans l’entrée dans l’addiction pour faire évoluer la liste des interdictions en fonction des résultats obtenus. La note scientifique mentionne aussi de renforcer les contrôles et d’alourdir les sanctions en cas de vente à des mineurs et de réfléchir à l’instauration d’un emballage neutre, beaucoup moins attractif.

Des mesures pour mieux accompagner les fumeurs

Plusieurs mesures préconisées concernent ensuite exclusivement l’accompagnement des fumeurs. Il s’agit d’adopter une approche de réduction des risques incluant la vape, comme au Royaume-Uni, afin d’étendre l’accompagnement à tous ceux qui ne se retrouvent pas dans les traitements nicotiniques traditionnels. L’OPECST recommande en parallèle de mener une campagne de prévention grand public sur les risques du vapofumage, et de transmettre aux consommateurs des informations objectives sur l’ensemble des produits à risques réduits, voire d’établir un « noci-score » pour permettre un choix éclairé plus rapidement.

Une accélération de la recherche

Les dernières recommandations de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques portent sur l’accélération de la recherche scientifique sur les nouveaux produits à risques réduits, afin d’en évaluer la nocivité. Pour financer ces recherches, l’OPECST suggère de mobiliser l’ensemble des organismes de recherche et des guichets de financement, mais aussi de mettre à contribution les fabricants eux-mêmes en augmentant le montant des droits versés pour toute déclaration d’un produit nouveau. Ces recherches, couplées à une évaluation des risques publiée rapidement par l’Anses, et réactualisée régulièrement, permettraient de poser un cadre juridique adapté à l’état actuel du marché et à des données scientifiques fiables.


La vaposphère réagit au rapport de l’OPECST

7

Si les restrictions supplémentaires pour la cigarette électronique, recommandées par l’OPECST par principe de précaution, auront sûrement du mal à passer auprès des professionnels de la vape, le bilan de ce rapport n’est pas tout noir pour autant.

Pour la première fois, une note scientifique émanant d’un organe d’expertise officiel, à destination des parlementaires pour faire avancer la politique de santé publique, ne se focalise pas seulement sur ce principe de précaution pour nos têtes blondes, mais propose des actions concrètes pour les fumeurs. L’adoption recommandée d’une approche de réduction des risques auprès des fumeurs insensibles aux substituts traditionnels en est le point fort. La mise en place d’un travail de recherche sur le rôle de différents arômes dans le sevrage tabagique avant leur éventuelle interdiction est une mesure pleine de sens. La démarche de communiquer de manière plus objective sur l’ensemble des produits à risques réduits l’est également.

Ce n’est pas rien, même s’il reste du chemin à faire compte tenu de certains documents sur lesquels l’OPECST s’est appuyé pour son rapport malgré leur contenu infondé, qui prouvent que la recherche d’objectivité et de rigueur scientifique recommandée par l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques ne sera pas une mince affaire.

Ce rapport plutôt encourageant n’a pas fait faiblir la mobilisation des associations AIDUCE, SOVAPE, LA VAPE DU COEUR et FIVAPE pour sauver la vape libre. L’opération MERCI LA VAPE lancée le 31 mai se poursuit donc actuellement.

Le questionnaire a été clôturé le 30 septembre pour pouvoir commencer à étudier les résultats de cette enquête capitale, la plus grande jamais réalisée sur 3 à 4 millions d’usagers en France. Les premiers résultats seront publiés dès le 31 octobre, pour le début du Mois Sans Tabac. Ils seront ensuite adressés aux parlementaires, aux membres du gouvernement, et aux institutions nationales et régionales concernées au début 2024. La pétition, elle, est encore ouverte, jusqu’au 31 décembre. Aux dernières nouvelles, elle comptabilisait plus de 57 000 soutiens.

TK white gold square2

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Vous pourriez aussi aimer ces articles