L’effet passerelle. S’il existe bien une théorie qui a un impact majeur sur les politiques sanitaires vis-à-vis du vapotage, c’est celle-là. Nombreux sont les dirigeants qui appliquent un principe de précaution et ne valorisent pas la vape dans le sevrage tabagique des fumeurs adultes, par peur d’inciter nos chères têtes blondes à utiliser une cigarette électronique. Et pourtant, il semble que le vapotage soit la clé vers une génération sans tabac aux USA, alors même que ce pays s’inquiète de longue date d’une « épidémie » de vape touchant les jeunes américains.
De l’autre côté de l’Atlantique, le Parlement Européen, avec son plan cancer 2022, prévoit l’interdiction de certains arômes pour réduire l’attractivité de la vape chez les jeunes, suivant les recommandations de l’OMS. C’est pourtant grâce à la vape que les États-Unis ont franchi le cap de leur première génération sans tabac. Un fait observable grâce aux données de l’enquête nationale sur le tabagisme chez les jeunes 2021 (National Youth Tocacco Survey), analysées par deux spécialistes de la réduction des risques : le Professeur Brad Rodu, dans cet article, et le Docteur John Oyston, dans l’article suivant.
Génération sans tabac aux USA : quand la vape éradique le tabagisme chez les jeunes
Avec moins de 2 % de fumeurs parmi les lycéens américains en 2021, les USA ont réussi à passer le cap de leur première génération sans tabac. Un chiffre bien bas par rapport à 2012, qui s’élevait alors encore à 13 %, dont on ne peut que se réjouir !
2 % est en effet le seuil à partir duquel on peut estimer que le tabagisme est éradiqué, avec l’émergence d’une génération qui ne connaîtra pas massivement les problèmes de santé liés à la cigarette, et qui engendrera à son tour une génération de non-fumeurs. Car si seuls 1,9 % des lycéens fument aujourd’hui aux USA, ils ne seront pas plus nombreux à fumer bien des années plus tard, puisqu’il est rare de commencer à fumer à la vingtaine ou à la trentaine.
Les données brutes attestant de cette bonne nouvelle proviennent de l’enquête nationale sur le tabagisme chez les jeunes 2021 (NYTS), publiées par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
La vape : un substitut au tabac, non une porte d’entrée
La crainte que le vapotage soit une porte d’entrée vers le tabagisme a été complètement éliminée par les données qui montrent que le vapotage est en fait un détournement du tabagisme.
Dr J. OYSTON.
Si le rapport alarmiste du CDC sur le vapotage des adolescents américains d’octobre 2021, avait été rédigé à partir de ces données, on ne comprend pas comment. Les chiffres de l’enquête sont en effet tout sauf inquiétants, puisqu’ils démontrent une substitution massive du tabagisme par le vapotage chez les lycéens américains dès 2018, lorsque le taux de vapotage chez les lycéens a connu son premier vrai pic. Ils répudient toute porte d’entrée de la vape vers le tabagisme. Un sacré coup porté à la théorie de la passerelle, qui, factuellement, s’écroule donc au moins aux USA.
Si l’avancée contre le tabagisme des jeunes américains est spectaculaire, elle n’est en tout cas pas la conséquence d’une politique de lutte anti-tabac axée sur le vapotage. Les États-Unis ont en effet toujours adopté un discours anti-vape et déploré l’explosion du vapotage dans les lycées entre 2015 et 2020, face à laquelle ils n’ont eu aucun contrôle malgré la multiplication de communications alarmistes.
Une génération sans tabac aux USA, et bientôt sans vapotage ?
Pourtant, l’épidémie de vapotage américain annoncé par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) et la Food and Drugs Administration (FDA) n’a pas non plus eu lieu finalement, et n’arrivera jamais vraisemblablement. En effet, même en plein pic d’utilisation en 2019, seul 27,4 % de lycéens vapotaient (dont 5 % vapofumaient), contre 71,8 % de lycéens qui ne consommaient ni vape, ni tabac ! Ils étaient donc largement minoritaires, et ne permettaient aucunement de conclure à une « épidémie ».
Mais surtout, une autre tendance se profile depuis 2019 : la baisse du nombre de lycéens vapoteurs, sans pour autant observer une hausse parmi les fumeurs. Leur chiffre est en effet tombé contre toute attente de 27,4 % à 11,2 %. Autrement dit : le taux de tabagisme chez les adolescents américains a baissé drastiquement grâce à l’émergence d’une alternative viable pour les lycéens fumeurs : la cigarette électronique, comme en témoigne la rencontre des courbes sur le graphique ci-dessus. Progressivement, plus de ¾ des fumeurs ont décidé d’arrêter la cigarette et de vapoter à la place. Ensuite, l’utilisation de la vape, substituée à la cigarette par les fumeurs, tend elle-même à se réduire, pour voir s’accroître le nombre de lycéens ne consommant aucune forme de nicotine. La moitié des lycéens vapotant en 2019 avaient en effet déjà arrêté en 2021. La consommation de nicotine sous toutes ses formes est d’ailleurs maintenant redescendue sous les niveaux de 2013.
La vape : une mode, une aide ou une addiction ?
Le vapotage ne semble pas très addictif chez les adolescents, et fait plutôt l’effet d’une mode passagère qui a simplement eu pour mérite de détourner la quasi-totalité des fumeurs lycéens des États-Unis du tabac. Une question se pose encore : parmi les 11,2% de vapoteurs lycéens restant, lesquels peuvent être considérés dépendants à la nicotine ? Seul l’avenir nous le dira. La question essentielle qui reste à se poser maintenant est la raison de la dépendance nicotinique de certains adolescents, qui contrairement à leurs camarades ont besoin de continuer à vapoter. Des éléments de réponse ont aussi été apportés par les données de l’enquête nationale sur le tabagisme chez les jeunes 2021 (NYTS), exposées par le Pr Brad Rodu.
Il apparaît en effet que les adolescents invités à s’exprimer en 2021 sur les motivations qui les poussent à vapoter évoquent en premier la recherche de l’effet de la nicotine à 44 %, et en second un besoin pour lutter contre l’anxiété, le stress ou la dépression à 42 %. Deux raisons qui n’avaient jamais été demandées lors des précédents sondages de 2018, 2019 et 2020. Il a donc fallu attendre 2021 pour ouvrir les yeux sur un possible mal-être de cette tranche de la population américaine ! La volonté de faire comme ses amis, évoquée à 27 % n’est donc vraisemblablement pas la cause majoritaire des conduites addictives chez les lycéens des USA.
Il apparaît clairement qu’une partie d’entre eux à besoin d’aide, notamment les 42 % évoquant des souffrances psychiques. Le temps est peut-être venu, plutôt que de taper sur la vape, de chercher des solutions pour leur accompagnement, alors même que le problème du tabagisme chez les jeunes est maintenant de l’histoire ancienne aux USA. Le Dr John Oyston considère pour sa part que les États-Unis devraient donner suite à ce succès accidentel en faisant la promotion du vapotage auprès des adultes fumeurs du pays, pour éliminer le tabagisme aussi chez les adultes. Espérons que tous nos gouvernants en tirent la même leçon.
Une victoire contre le tabagisme qui ne fait pas de bruit
En atteignant une génération sans tabac, les USA connaissent donc une victoire sans précédent dans leur lutte contre le tabagisme. Et pourtant, pas un mot n’a été communiqué à ce sujet par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) depuis leur publication des données de l’enquête nationale sur le tabagisme chez les jeunes 2021 (National Youth Tocacco Survey) à la mi-mars 2022.
Il a fallu attendre les publications successives du Professeur Brad Rodu le 24 mars 2022, puis celle du Docteur John Oyston le 19 avril 2022 pour voir émerger le sujet sur la toile.
Pourtant, le CDC n’est d’ordinaire pas avare de communications sur la vape. Du moins lorsqu’il s’agit de relayer des titres effrayants dans les principaux médias des USA. C’est ce que dénonce le Professeur Brad Rodu, chargé de confirmer certains chiffres avancés pour leur Morbidity and Mortality Weekly Report d’octobre 2021 (page 31), écrit à partir des données de l’enquête nationale sur le tabagisme chez les jeunes 2021 (NYTS), alors encore confidentielles. Un rapport qui mettait en avant un nombre élevé de jeunes vapoteurs dans le pays de manière alarmiste, en omettant de préciser que le chiffre avait considérablement baissé de 58 % depuis 2019, et de préciser également son rôle dans le déclin fulgurant du tabagisme auprès des lycéens. Une bien étrange manière d’informer les populations… combinée à de la rétention de données brutes, qui a contribué à faire perdurer le mythe d’un vapotage épidémique chez les jeunes.
Un peu d’espoir se laisse entrevoir dans cette histoire. Même lorsque la vape est décriée officiellement, elle semble parvenir contre toutes les volontés à s’imposer et à coiffer au poteau la cigarette, avant d’être ensuite délaissée et non remplacée. Peut-être suivra-t-elle le même parcours qu’aux USA en France, et plus largement en Europe, malgré les décisions à son encontre prises par le Haut Conseil de Santé Publique et le Parlement Européen ?
Force est de constater que la vape n’est pas inconnue des adolescents français. Tantôt parce que certains parents préfèrent passer la porte d’un vape shop et acheter à leur enfant une cigarette électronique plutôt que de le laisser fumer, dès ses premières cigarettes avec les copains. D’autres fois parce que certains produits vapologiques, malgré une communication encadrée, bénéficient d’un effet de mode auprès des ados, comme c’est actuellement le cas des Puff bars. En tout cas en France, le phénomène n’en est qu’à ses balbutiements. Actuellement, 30% des jeunes français fument en effet malheureusement encore, quotidiennement ou occasionnellement.