Après la publication en ligne de plusieurs études démontrant un effet du cannabidiol sur certaines manifestations allergiques sur des animaux, des articles sont parus sur la toile vantant les bienfaits du CBD dans le soulagement des allergies, notamment de l’allergie au pollen, plus que jamais d’actualité au printemps.
Il faut dire que cette pathologie, en augmentation constante en France, comme dans l’ensemble des pays industrialisés, qui concerne 20 % des enfants à partir de 9 ans et 30 % des adultes, représente une manne commerciale. Mais l’efficacité du CBD est-elle prouvée ? Comment soulager l’allergie au pollen ? Par ici pour un point complet !
Quels sont les symptômes de l’allergie au pollen ?
L’allergie est une réaction d’hypersensibilité du corps qui découle d’une réaction immunitaire inappropriée à une substance étrangère nommée « allergène ». Les symptômes de l’allergie au pollen sont plus ou moins invalidants en fonction du degré d’hypersensibilité. Ils se produisent lorsqu’un ou plusieurs allergènes polliniques entrent en contact avec les yeux ou les voies respiratoires (nez, bouche) d’une personne allergique. Les réactions sont généralement localisées aux zones de contact, mais certains expérimentent aussi des réactions cutanées, comme l’eczéma et l’urticaire.
Il s’agit donc dans la majorité des cas d’une rhinite allergique. Elle se manifeste par une inflammation des voies aériennes supérieures qui provoque éternuements à répétition, forte congestion nasale, nez qui coule, maux de tête, picotements et démangeaisons dans la gorge. Les voies lacrymales et les yeux peuvent être atteints aussi. On parle alors de rhino-conjonctivite allergique, qui se traduit par des démangeaisons des yeux, une rougeur conjonctivale, un larmoiement, des paupières enflées et collées, en plus des manifestations des voies aériennes.
La rhinite allergique multiplie aussi le risque d’apparition de l’asthme d’un facteur 4 environ. 20% des patients ayant une rhinite allergique sont ainsi également asthmatiques à cause de l’inhalation des allergènes. L’asthme allergique est une inflammation des bronches avec un gonflement de leur paroi qui se manifeste par des troubles respiratoires (dyspnée), avec une respiration sifflante (à l’expiration), un sentiment d’oppression thoracique, des épisodes récidivants de toux, un essoufflement après un effort, parfois une fatigue anormale brutale. Il peut être intermittent ou persistant, et plus ou moins grave.
Liste des pollens allergisants en France
- Graminées, bouleau et pariétaire (principalement dans la partie nord de la France) ;
- Cyprès, thuya, genévrier et autres espèces de la même famille ainsi qu’olivier (principalement dans la partie sud de la France) ;
- Aulne, charme commun, frêne, murier à papier, noisetier, ambroisie et armoise (dans les secteurs infestés par ces plantes envahissantes) ;
- Platane (de façon localisée) ;
- Chénopode, amarante et autres espèces de la famille des Amaranthaceae (en augmentation) ;
- Plantain.
Comment diagnostiquer une allergie au pollen ?
Les graminées étant uniquement responsables de ce qu’on appelle communément le « rhume des foins » mais pas de toutes les allergies au pollen qui peuvent exister, le diagnostic d’une allergie au pollen nécessite de rechercher le ou les pollens impliqués. Pour ce faire, l’allergologue procède à un interrogatoire détaillé pendant un entretien, ainsi qu’à un examen médical.
Des tests cutanés, appelés prick tests, permettent de les identifier et d’en juger la gravité. Il s’agit de déposer des gouttes des allergènes polliniques suspectés sur la peau et de les faire légèrement pénétrer dans la peau à l’aide d’une fine aiguille. En cas de rougeur et de gonflement localisé, un allergène sera trouvé. Dans le cas de test cutanés non concluants ou impossibles à réaliser, l’allergologue prescrira une analyse de sang pour doser les anticorps immunoglobine E (IgE). Une autre méthode qui permet de trouver les pollens en cause.
CBD et allergie au pollen : quelle efficacité ?
Bien que de nombreux bienfaits du CBD aient déjà été prouvés par la science, les recherches sur le rôle que pourrait jouer le cannabidiol dans le soulagement de manifestations allergiques n’en sont qu’à leurs balbutiements. Elles concernent d’ailleurs plutôt les cannabinoïdes en général, et non uniquement le CBD.
Si une meilleure compréhension du rôle du système endocannabinoïde humain (ECS) dans le contexte de l’allergie pourrait peut-être un jour contribuer à ouvrir de nouvelles voies pour la conception de nouvelles stratégies préventives et curatives, l’heure est encore à la controverse. La participation du système endocannabinoïde humain (ECS) et des cannabinoïdes dans l’allergie reste encore pleine de mystères non résolus.
Car si certaines études sur la souris comme sur l’homme ont démontré des propriétés anti-inflammatoires exercées par certains cannabinoïdes au niveau des voies respiratoires et de la peau dans le cadre de maladies allergiques, d’autres ont montré que certains cannabinoïdes exacerbent l’asthme et la dermatite atopique.
Autrement dit : de nombreuses recherches fondamentales et cliniques sont encore nécessaires sur le sujet afin de tirer au clair les mécanismes d’action exploitables pouvoir un jour espérer utiliser les cannabinoïdes, dont le CBD, dans la prise en charge des maladies allergiques en toute sécurité.
« Une connaissance plus approfondie de la manière dont les endocannabinoïdes, phytocannabinoïdes et cannabinoïdes synthétiques spécifiques contribuent à immunomoduler les caractéristiques fonctionnelles des cellules immunitaires concernées impliquées dans l’orchestration des réponses immunitaires innées et adaptatives, ainsi que sur le profilage de leurs récepteurs cibles, sera de la plus haute importance. »
Collegium Internationale Allergologicum (Alba Angelina, Mario Pérez-Diego, Jacobo Lopez-Abente, Oscar Palomares).
De plus, si un mécanisme d’action solide venait un jour à être identifié, le dosage de CBD nécessaire pour obtenir une action efficace devrait lui aussi être déterminé. Un dosage qui ne pourra sûrement pas être obtenu sans risque en utilisant seul des produits « bien-être » actuellement disponibles sur le marché, mais qui vraisemblablement relèvera d’une prescription médicale à un dosage impliquant un suivi médical, comme dans le cas des autres domaines d’intervention du CBD thérapeutique.
Les domaines thérapeutiques d’utilisation du CBD, et plus largement, du cannabis thérapeutique, sont d’ailleurs tout autres en France depuis le lancement de la recherche en 2021 : douleurs neuropathiques réfractaires, spasticité douloureuse dans la sclérose en plaques (SEP) et d’autres pathologies affectant le système nerveux central, épilepsie pharmacorésistante, oncologie et soins palliatifs.
Bref vous l’aurez compris, en cas de suspicion d’allergie saisonnière, ne tentez pas de vous soigner seul avec du CBD. Car si les bénéfices ne sont pas encore prouvés, des risques par contre sont bien documentés ! Foncez donc plutôt consulter votre médecin traitant, qui vous orientera si besoin vers un allergologue.
Quel médicament pour les allergies au pollen ?
Le ou les pollens responsables de votre allergie ont été identifiés ? La première chose à faire sera d’éviter autant que possible les contacts avec. Bien qu’une éviction totale soit malheureusement impossible dans le cas d’une allergie à des pneumallergènes tels que les pollens, de nouvelles habitudes de vie vous permettront de réduire l’exposition. Mais pour restaurer la qualité de vie, il vous faudra généralement un traitement, qui sera déterminé par l’allergologue en fonction de vos symptômes.
Les symptômes les plus gênants étant liés à la production d’histamine par le système immunitaire lorsque ce dernier est exposé à l’allergène auquel il est sensible, les traitements sont symptomatiques et visent à diminuer ou stopper les réactions symptomatiques en bloquant cette même production d’histamine. Ce sont donc en premier lieu des antihistaminiques, disponibles sous forme de comprimés, solutions buvables, mais aussi de solutions nasales pour la rhinite allergique et de collyres en cas de conjonctivite associée.
Malheureusement sans effet sur l’asthme, ils peuvent être, en cas de besoin, complétés par des corticoïdes à inhaler dans le cadre d’un traitement quotidien. Leur levier d’action est différent : ils calment les symptômes d’allergie en modulant l’activité du système immunitaire. La prise en charge de l’asthme repose surtout dans la prise en charge des crises aigues, comme dans le cas de l’asthme non allergique.
CBD et antihistaminiques : attention aux interactions !
Vous avez lu sur la toile que le CBD peut vous aider à mettre fin à votre « rhume des foins » et vous comptez en ajouter à votre traitement saisonnier sans en parler à votre médecin ? Attention ! Comme nous vous l’avons expliqué, l’efficacité du CBD sur les manifestations allergiques n’est pas encore prouvée. Mais surtout, il pourrait être dangereux de prendre du CBD avec votre traitement, car le cannabidiol entre en interaction avec de nombreux médicaments, et notamment les antihistaminiques.
L’efficacité de certains antihistaminiques peut en effet être altérée par une prise de CBD, à cause d’une inhibition du système enzymatique du cytochrome P-450 indispensable à la métabolisation de nombreux médicaments. Concrètement, le CBD augmente le temps nécessaire au foie pour décomposer ces mêmes traitements, dont les antihistaminiques. Résultat : un risque de se retrouver avec une accumulation de ces substances dans le sang pendant un certain temps, et de subir une majoration de leurs effets secondaires, le cas échéant, notamment une forte fatigue.
Une autre bonne raison de ne pas procéder à de l’automédication, mais d’échanger avec votre allergologue au sujet d’une prise complémentaire de CBD, si vous en ressentez l’envie.
Quel médicament ne pas prendre avec du CBD ?
Les principaux autres médicaments à ne pas prendre avec du CBD sont les traitements antiépileptiques comme Valproate, Clobazam, déjà sédatifs, en raison d’un risque accru et dangereux de somnolence, mais aussi l’Évérolimus, un traitement immunosuppresseur utilisé généralement en oncologie. Le CBD peut en effet augmenter l’absorption de l’Évérolimus et son dosage dans le sang, avec un risque de surdosage.
Cette liste n’est pas exhaustive. Veuillez toujours demander à votre médecin avant de prendre du CBD en cas de pathologie avérée et de traitement en cours, pour ne pas risquer une interaction médicamenteuse néfaste.
CBD et allergie au pollen : un risque d’allergie croisée
Autre risque à prendre en compte : la survenue d’une allergie au produit au CBD utilisé pour soulager une allergie au pollen. Un comble, mais surtout un problème avéré, car environ 80% des personnes allergiques au cannabis ou à l’un de ses composants sont également hypersensibles aux pollens, notamment de bouleau !
Il s’agit généralement alors d’une allergie croisée à un allergène extrêmement répandu dans le monde des végétaux, dans les racines, graines, fruits, pollens et feuilles : les protéines de transfert de lipides. Une allergie fréquente, dont les manifestations peuvent concerner les voies respiratoires, digestives et cutanées, avec un risque de symptômes graves. Aussi, soyez particulièrement vigilants et ne prenez pas de CBD pour tenter de soulager une allergie au pollen, surtout si vous souffrez aussi d’une allergie au latex ou à certains aliments.
Comment faire passer l’allergie au pollen ?
En conclusion, le CBD n’est donc pas un produit miracle qui permet de faire passer l’allergie au pollen. Ce n’est d’ailleurs pas un produit miracle pour guérir de nombreuses maladies tout court, mais une molécule bien-être utile, en l’absence de problèmes de santé, pour maintenir une forme optimale et se relaxer, sauf lorsqu’il s’agit de CBD thérapeutique, à dose thérapeutique, prescrit par un médecin pour un usage bien précis.
Dans le cas de l’allergie au pollen, le seul moyen de stopper pour de bon les manifestations dérangeantes, qui flambent généralement au printemps, consiste à effectuer des séances de désensibilisation chez un allergologue, lorsque c’est possible, notamment sans asthme sévère et mal contrôlé. Un processus long mais qui permet, à la clé, en cas de succès, de gagner nettement en qualité de vie au bout de quelques mois, et pour longtemps.
La désensibilisation ou immunothérapie allergénique consiste à administrer, pendant plusieurs années, des extraits d’allergènes par injection sous-cutanée sous contrôle médical ou par prise sublinguale ou orale, à doses progressives, de façon à « éduquer » le système immunitaire pour qu’il ne les reconnaisse plus comme des ennemis, et devienne tolérant à leur égard. Le bilan allergologique détermine la méthode adaptée.