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Avenir du CBD en France : Tout savoir en 5 points

Avenir du CBD en France : Tout savoir en 5 points

Le cannabidiol (CBD) est étonnamment à l’origine d’un casse-tête pour les législateurs français. Ces derniers sont partagés entre la volonté de soutenir l’exploitation française du chanvre, son commerce et, plus largement, l’économie du pays, et la crainte d’un trouble à la sécurité publique, ce produit à l’état brut ressemblant visuellement au cannabis riche en THC.

Ainsi, en France, depuis 2020, les autorités tentent de modifier la législation actuellement appliquée au CBD. Ce qui n’est pas une mince affaire compte-tenu de leurs hésitations, de la forte attente des industriels, commerçants et consommateurs du secteur, mais aussi de la surveillance de leur projet par la Commission Européenne et de ses États-Membres. La Cour Européenne ne considérant pas la molécule de cannabidiol comme une drogue, le CBD est autorisé sans restriction dans l’Union Européenne. La France apparaît donc aux yeux de la Commission comme un vilain petit canard récalcitrant, qui n’a à apporter aucun argument vraiment valable à sa position.

Un pas en avant, un pas en arrière : l’affaire est difficile à suivre par les professionnels du secteur autant que par les consommateurs, qui attendent un cadre juridique clair, enfin. Depuis la validation d’un projet d’arrêté et son étude par la Commission pendant la phase de statu quo européen, où en est-on donc réellement ? Quel avenir pour le CBD en France peut-on espérer ? Faisons le point ensemble sur la situation.


1 : Avenir du CBD : pourquoi un décret français ?

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L’origine du projet d’arrêté visant à modifier la législation française autour du CBD est une demande de mise en conformité de la législation française par rapport à la législation européenne en vigueur à ce sujet.

Une demande qui fait suite à une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), intervenue après 5 ans d’enquête et de procédure judiciaire dans le cadre de l’affaire C-663/18, dite Kanavape. Une société marseillaise créée en décembre 2014, qui commercialisait du e-liquide au CBD sous forme de cartouches préremplies, fabriquées en Tchéquie, accusée dès septembre 2015 de trafic de stupéfiants, promotion à l’usage de drogues mais aussi pratique illégale de la pharmacie, et plus encore. Ses fondateurs ont alors été jugés coupables et condamnés par le tribunal correctionnel de Marseille à effectuer une peine d’un an et demi de prison avec sursis, et à verser, en tout, 20000€ d’amende, plus 5000€ à l’ordre des pharmaciens. Ils ont alors décidé de faire appel. Leur avocat décida de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne pour la faire statuer sur la conformité ou non, par rapport au droit Européen, de l’article 1er de l’arrêté du 22 août 1990 qui permit la condamnation de ses clients.

L’INTERDICTION DE VENTE DE CBD : INTERDITE

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Le 19 novembre 2020, la CJUE rendit son arrêt en s’appuyant sur les connaissances scientifiques sur le cannabidiol et sur la base des conventions internationales en vigueur. Elle déclara que le CBD n’est ni un produit stupéfiant, ni un produit pharmaceutique. L’interdiction de transformer des produits au CBD en France ne fut pas impactée par cette déclaration. L’interdiction de vente en France fut par contre jugée comme une atteinte à la libre circulation des marchandises au sein de l’U.E.

La France fut sommée dès lors d’autoriser la vente de tous produits au CBD. Pour autant, la légalisation du CBD en France n’a pas changé du tout au tout dès cette décision tombée. D’autres commerçants subirent des procès compte-tenu de la loi française, malgré une législation européenne contraire. La Cour de cassation intervint et rendit deux arrêts rejetant une interdiction, même provisoire, de commercialisation de CBD : les arrêts n° 18-86.932 et n° 20-84.212. Pour autant, la situation ambigüe ne prendra véritablement fin que lorsque la loi française aura été définitivement modifiée.

La CJUE a apporté une précision juridique à sa décision : l’interdiction de la vente de CBD en France pourrait être justifiée à condition que les législateurs prouvent la juste proportion et sa nécessité pour protéger la santé publique. Une brèche ouverte, dans laquelle les législateurs français ont dès lors tenté de s’immiscer pour produire une réglementation respectant la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne, mais permettant de poursuivre une lutte efficace contre les produits stupéfiants, et profitable au développement de nouvelles filières, donc à l’économie du pays.


2 : Le projet d’arrêté sur le CBD, notifié à la
Commission Européenne le 20 juillet 2021

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Les travaux interministériels en cours dès novembre 2020 pour définir les modifications à apporter à l’arrêté du 22 août 1990 ont porté leurs fruits. Un projet d’arrêté sur le CBD a en effet été validé et notifié à la Commission Européenne le 20 juillet 2021.

Ce projet présente l’avenir du CBD souhaité par les autorités du pays en France, et constitue une base de travail pour une approche commune dans toute l’Union Européenne, souhaitée par le gouvernement français. Dès la notification, les législateurs ont dû se soumettre à une phase de statu quo, pendant laquelle la Commission et les États-Membres ont étudié le projet pour vérifier de sa compatibilité avec le droit des autres pays de l’Union Européenne, et plus largement avec la législation propre à l’U.E. Sans quoi, il ne pourra être adopté. Que prévoit d’ailleurs l’arrêté pour le CBD ?

L’AVENIR DE LA CULTURE DU CBD

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Le projet d’arrêté français prévoit d’étendre l’autorisation de culture à toutes les parties de la plante de chanvre, mais uniquement aux agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur. Une condition à cela : ladite plante doit être inscrite au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France, puis testée selon une méthode officielle, en annexe du rapport, et avoir une teneur en THC inférieure à 0,2 %.

L’AVENIR DE L’INDUSTRIE ET DE L’IMPORT/EXPORT DU CBD

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Le projet d’arrêté prévoit également d’autoriser l’importation, l’exportation et la récolte des feuilles et fleurs de chanvre sur le sol français, mais uniquement pour une production industrielle. Les produits transformés obtenus devront eux aussi prouver leur teneur en THC inférieure à 0,2 %, sans quoi ils relèveraient de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants.

Un pourcentage qui pourra être encore amoindri dans le cas de denrées alimentaires, si une réglementation sectorielle plus stricte devait s’appliquer pour garantir une totale absence de risque pour la santé. À ce jour, les aliments au CBD sont d’ailleurs encore interdits. Ils doivent être soumis à une évaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et à une autorisation préalable à leur mise sur le marché.

L’AVENIR DU COMMERCE DE CBD

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Seuls les produits transformés respectant les normes pourront être commercialisés en France et à l’étranger, et devront s’inscrire dans un dispositif de traçabilité. Côté communication, les allégations thérapeutiques sont interdites et soumises à sanction pénale, tout comme les publicités entretenant la confusion entre CBD et cannabis récréatif.

Par conséquent, le décret français modifié interdit ainsi la vente, la détention et la consommation de fleurs ou de feuilles brutes, notamment sous forme de tisanes et produits à fumer. Un point justifié par la ressemblance entre les variétés de CBD et celles de cannabis riche en THC, qui compliquerait la lutte contre le trafic de stupéfiants. Autre argument : les risques sanitaires liés à la consommation de CBD par combustion, par voie fumée.

Les produits du vapotage au CBD sont en revanche autorisés d’après le texte de loi. Les e-liquides et boosters de CBD pour le DIY devront simplement respecter le code de la santé publique, les dispositions du règlement CLP du Parlement Européen relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances chimiques et des mélanges, et celles du règlement REACh qui impose l’enregistrement des substances chimiques fabriquées ou importées à plus d’une tonne par an en Europe auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).


3 : Vers un cadre juridique du CBD enfin clair en France ?
La fin du statu quo Européen

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Le 12 novembre 2021, la Commission européenne a officialisé ses remarques sur le projet d’arrêté du gouvernement français. Leurs observations ne demandent pas la prolongation de la phase de statu quo et mettent donc fin à la phase d’immobilisme des législateurs. Un grand pas vers l’adoption du projet de loi, vers la légalisation des produits transformés au CBD, mais aussi vers l’interdiction de la commercialisation des fleurs et feuilles brutes.

La commission Européenne exige des clarifications

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Enfin, vapoteurs de CBD, le flou juridique autour du cannabidiol va être comblé ! Ah non ? Malheureusement la fin du statu quo européen ne signifie pas la fin des modifications. Le texte de loi doit encore être peaufiné pour ne laisser aucune imprécision qui pourrait être interprétée contre contradictoire par rapport au droit européen.

La Commission Européenne demande en effet des clarifications à propos du bien-fondé d’un taux de THC fixé arbitrairement à 0,2 %. Elle juge préférable de détailler un taux pour chaque type de produits, en accord avec la législation européenne, en s’appuyant sur des arguments de santé publique et non de sécurité publique. Elle demande par exemple d’inscrire dans le texte un taux adapté pour les produits alimentaires au CBD, qui respecte la loi européenne en vigueur. Les législateurs français doivent donc être plus précis, et étoffer leur argumentaire de preuves sanitaires justifiant les seuils de THC à ne pas dépasser en fonction des produits.

La France planche donc à nouveau sur le texte, dans son propre intérêt : en l’état actuel, sans modification, le texte reste contestable par les États-Membres qui pourraient refuser l’interdiction de vendre leurs produits en France. Les producteurs et industriels français seraient alors toujours soumis à une règlementation plus drastique que celle en vigueur ailleurs en Europe, et perdraient une part de marché qui profiterait à leurs homologues des autres pays d’Europe. Un non-sens, préjudiciable à l’économie du pays.


4 : Un gouvernement français toujours évasif quant à
son positionnement par rapport au CBD

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Face à la difficulté à sortir du flou juridique autour du CBD, quatre sénateurs ont adressé des « questions écrites » au gouvernement afin qu’il leur fasse part de son positionnement sur la commercialisation du CBD. Malheureusement, le Ministre de la santé reste très évasif dans ses réponses apportées le 25 novembre 2021, et appelle seulement à conserver une attitude de prudence vis-à-vis de ces produits, qui doit transparaître dans le texte de loi :

« Les autorités réitèrent d’ores et déjà leurs avertissements concernant les effets potentiellement nocifs de la molécule de CBD, encore peu connue. Elles signalent en outre les risques sanitaires liés au Delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), molécule classée comme stupéfiant, que sont susceptibles de contenir les produits issus du chanvre. Elles appellent à la plus grande vigilance concernant les modes de consommation de ces produits, notamment la voie fumée, dont la toxicité est avérée. »


5 : Une saisie du Conseil constitutionnel, pour l’avenir du CBD

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Dès les premiers procès à l’encontre de fabricants de produits au CBD, plusieurs associations en lien avec les cannabinoïdes se sont opposés à la loi française sur le sujet alors en vigueur (l’article 1er de l’arrêté du 22 août 1990). Une opposition en justice, qui a conduit à saisir le Conseil constitutionnel.

Dès octobre 2020, l’Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes (AFPC) a en effet été la première à poser une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel, qui dépasse la problématique du CBD seul : La législation actuelle sur les stupéfiants serait inconstitutionnelle. Le pouvoir législatif porterait atteindre aux libertés individuelles en laissant le Premier Ministre et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) définir les produits devant être classés comme « stupéfiants », et se déchargerait d’une mission qui lui est constitutionnellement réservée.

Les informations transmises ensuite par les législateurs sur le projet d’arrêté destiné à modifier la loi française à propos du CBD n’ont pas convaincu les associations, bien au contraire, à cause de l’interdiction prévue des fleurs de cannabis CBD. Certaines ont ainsi rejoint l’AFPC dans sa procédure judiciaire, pour défendre le droit à la culture, à la transformation et à la commercialisation de la fleur de CBD française. Il s’agit de l’Union professionnelle des Producteurs de CBD (UPCBD) et du Syndicat Professionnel du Chanvre (SPC).

Cette QPC a été jugée recevable par le Conseil constitutionnel. L’audience devant le Conseil constitutionnel s’est ainsi déroulée le 14 décembre dernier, avec une intervention d’associations du secteur, par l’entreprise de l’avocat en charge du dossier, Maître Hachet : l’Auto Support des Usagers de Drogues (ASUD), du Collectif d’Information et de Recherches Cannabiques (CIRC) et du Groupe de Recherche et d’Étude sur le Cannabis et les Cannabinoïdes (GRECC). Son objectif est grand : obtenir la dépénalisation de l’usage du cannabis en France, pour passer de la prohibition à la régulation. L’examen de cette QPC par le Conseil constitutionnel risque ainsi d’impacter fortement le projet d’arrêté sur le CBD. La délibération est attendue entre le 24 décembre et le 10 janvier.


L’arrêté définitif qui posera le cadre de l’avenir du CBD en France est donc loin d’être terminé, même s’il est bien avancé. Les consommateurs comme les professionnels du secteur l’attendent impatiemment pour enfin sortir du flou juridique qui les met dans une position indélicate. Du côté des professionnels, ce n’est pas le seul enjeu. La France qui est pourtant le premier producteur de chanvre européen pâtit actuellement des restrictions bien plus drastiques qu’ailleurs en U.E. L’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre rappelle que le marché français du chanvre pourrait atteindre 700 millions d’euros en 2022. L’état français se donnera-t-il les moyens de tirer son épingle du jeu ?

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